05/06/2024

Surveillance digitale et résistance

Journé d'étude sur la gouvernance algorithmique et le renouvèlement des formes de résistance

Visuel Journée d'étude ULB CAREP Surveillance digital
Journée d’étude organisée par l’Observatoire des mondes arabes et musulmans (OMAM) / Université libre de Bruxelle (ULB) et le Centre arabe de recherche et d’étude politiques de Paris (CAREP Paris).
Lieu : Institut d’études européennes, Salle Kant, 39, Avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles
Heures : 10h à 18h

Argumentaire (english below)

L’étude de la surveillance suscite un intérêt croissant dans les cercles académiques. Les recherches sur ce thème visent à révéler, de façon empirique, théorique et éthique, la nature et l’impact d’un processus clé d’organisation sociale (Lyon et al. 2012). Ce processus implique la collecte, l’analyse et l’utilisation de données dans divers domaines de la gouvernance sociale, environnementale, économique ou politique. Il s’orchestre à travers un réseau complexe d’institutions, de systèmes, de bureaucraties et de liens sociaux, ce qui rend ses effets particulièrement complexes à délimiter et à étudier. Les réponses à la surveillance, qu’elles soient d’opposition, de résistance, de détournement ou de réappropriation, se manifestent au niveau local, dans des actions militantes et artistiques.

À travers cette journée d’étude, nous ambitionnons de réfléchir à ces renouvèlements en nous intéressant, d’une part à l’action publique déployée par une pluralité d’acteurs au croisement du « public » et du « privé », d’autre part à la réception de ces pratiques par la population, et plus particulièrement aux méthodes de résistance et d’opposition mises en place dans des contextes démocratiques et autoritaires.  

Si l’on s’en tient aux discours déployés par les pouvoirs publics, l’accélération des communications électroniques depuis une quinzaine d’années – qui seraient plus difficiles à capter et à déchiffrer – poserait un défi à l’État, contraint de se redéployer. La complexification des conditions de contrôle amènerait les agents de renseignement à se tourner davantage vers les partenariats avec des entreprises « privées » qui seules disposeraient de l’expertise technologique. Désormais partie intégrante de l’écosystème de la surveillance, ces multiples acteurs œuvrent aussi bien à la conception, à l’utilisation qu’à la commercialisation des outils technologiques. Parmi eux, les outils d’interception (Ventre) permettent tout particulièrement de saisir la portée de ces (re)assemblages et des reconfigurations des relations de pouvoir qui en découlent (Treguet).

Ainsi, ces réagencements public-privé contribuent à transformer en profondeur les modes gouvernance, y compris les relations État-société. Au niveau sociétal, les populations n’ont pas seulement intériorisé́ les normes technologiques ; en laissant quotidiennement des traces via des objets connectés, les individus jouent également un rôle majeur dans la mise en œuvre de leur propre contrôle. Partant du caractère ambivalent des technologies (Lyon), le débat met en présence les partisans d’une « surveillance participatoire » (Larsen, Piché, 2009) où les individus prendraient part à la surveillance en collaboration avec les forces de l’ordre et les tenants de la « sousveillance » (Mann, Nolan, Wellman, 2002) qui favoriserait au contraire le développement de contre-conduites contre les agents de l’État. Entre acceptabilité́ et résistance, ces débats doivent, être restitués dans différents contextes, « démocratiques » ou « autoritaire » où le contournement de l’ordre politique ne se pose pas de la manière identique.

Dans le cadre de cette journée d’étude, nous appréhenderons la résistance dans sa diversité, offrant ainsi, à travers une approche interdisciplinaire qui englobe un large éventail d’acteurs et de dynamiques, une compréhension approfondie des différentes facettes de la résistance. Nous nous interrogerons sur l’identité et la position relative des divers acteurs impliqués dans la résistance à la surveillance : qui sont-ils et comment leurs relations mutuelles influencent-elles leur capacité à résister ? À quels moments du développement des technologies ou des pratiques de surveillance la résistance se manifeste ou devient viable ? Parallèlement, nous examinerons la manière dont les dynamiques de pouvoir spécifiques ouvrent certaines voies de résistance tout en en limitant d’autres.

En mettant en discussion différents contextes européens extra-européens, cette journée d’étude souhaite interroger l’idée selon laquelle les répartitions de responsabilité́ entre « public » et « privé » contribuent à la reproduction de situations autoritaires. L’idée est aussi de questionner la pertinence du concept d’autocratisation qui le plus souvent accompagne des approches transitologiques trop schématiques (Tomini, 2021) ou d’autres encore qui cherchent à mesurer les régimes politiques à l’aide d’indicateurs et de données quantitatives. Privilégiant l’approche empirique, cette journée se penchera enfin sur la manière dont les sciences sociales peuvent se saisir de ces objets tout en évitant les modes académiques et l’écueil des visions déterministes (Castagnino ; Laurent).

PROGRAMME FR/EN

10h00 I Accueil des participants / Welcome
10h30-11h30 I Débat : À propos de ladite autocratisation du monde / Debate : Regarding the so-called autocratisation of the world
  • Philippe Droz-Vincent (Sciences Po)
  • Luca Tomini (ULB)
11h30 – 13h30 I Panel 1 / Des assemblages publics-privés au cœur de la gouvernance néolibérale / Panel 1 Public-private partnerships at the heart of neoliberal governance

Modération : Julien Jeandesboz (ULB)

  • Remi Castets (Université de Bordeaux) : “L’”ultra-surveillance et les dispositifs de surveillance algorithmiques au Xianjiang” / “Ultra Surveillance and Algorithmic Monitoring in Xinjiang”
  • Leila Seurat (CAREP) : “Intercepter les communications judiciaires administratives en France: Vers la valorisation des metadonnées” / “Intercepting Judicial Administrative Communications in France: The Value of Metadata”
  • Wassim Ghantous (Tampere University) : “Settler-colonial assemblages: Palestinian Experiences of (in)security, surveillance, and carceral geographies”

13h30 – 15h00 I Pause déjeuner

15h00 – 17h00 I Panel 2 / Contourner, résister, contester / Panel 2 Bypassing, Resisting, Challenging

Modération :  Luca Tomini (ULB)

  • Suzan Gibril (ULB) : “Résistance digitale en régime autoritaire: Retours des terrains égyptien et tunisien” / “Digital resistance and authoritarian regimes: Insights from Egypt and Tunisia”
  • Camila Perez Lagos (ISTC, Lille): “Formes de contestation du regard surveillant : une étude sur l’esthétique de la surveillance » / “Forms of Contesting the Surveillance Gaze: A Study on the Aesthetics of Surveillance »
  • Bilge Yesil (College of Staten Island, NY) : “Resisting the Surveillant Assemblage in Turkey: Limits, Possibilities and Strategies”
16h30 – 17h00 I Pause-café
17h00 – 18h00 I Keynote : Au-delà des surveillance studies, quels outils de sciences sociales mobiliser ? / Keynote Beyond surveillance studies, what social science tools can be mobilised?
  • Sébastien-Yves Laurent (Université de Bordeaux)

PROGRAMME FR/EN

10h00 I Accueil des participants / Welcome
10h30-11h30 I Débat : À propos de ladite autocratisation du monde / Debate : Regarding the so-called autocratisation of the world
  • Philippe Droz-Vincent (Sciences Po)
  • Luca Tomini (ULB)
11h30 – 13h30 I Panel 1 / Des assemblages publics-privés au cœur de la gouvernance néolibérale / Panel 1 Public-private partnerships at the heart of neoliberal governance

Modération : Julien Jeandesboz (ULB)

  • Remi Castets (Université de Bordeaux) : “L’”ultra-surveillance et les dispositifs de surveillance algorithmiques au Xianjiang” / “Ultra Surveillance and Algorithmic Monitoring in Xinjiang”
  • Leila Seurat (CAREP) : “Ies interceptions judiciaires et administratives en France: Vers la valorisation des métadonnées” / “Judicial and Administrative Interceptions in France: The Value of Metadata”
  • Wassim Ghantous (Tampere University) : “Settler-colonial assemblages: Palestinian Experiences of (in)security, surveillance, and carceral geographies”

13h30 – 15h00 I Pause déjeuner

15h00 – 17h00 I Panel 2 / Contourner, résister, contester / Panel 2 Bypassing, Resisting, Challenging

Modération :  Luca Tomini (ULB)

  • Suzan Gibril (ULB) : “Résistance digitale en régime autoritaire: Retours des terrains égyptien et tunisien” / “Digital resistance and authoritarian regimes: Insights from Egypt and Tunisia”
  • Camila Perez Lagos (ISTC, Lille): “Formes de contestation du regard surveillant : une étude sur l’esthétique de la surveillance » / “Forms of Contesting the Surveillance Gaze: A Study on the Aesthetics of Surveillance »
  • Bilge Yesil (College of Staten Island, NY) : “Resisting the Surveillant Assemblage in Turkey: Limits, Possibilities and Strategies”
16h30 – 17h00 I Pause-café
17h00 – 18h00 I Keynote : Au-delà des surveillance studies, quels outils de sciences sociales mobiliser ? / Keynote Beyond surveillance studies, what social science tools can be mobilised?
  • Sébastien-Yves Laurent (Université de Bordeaux)
Bibliographie indicative / References
  • Castagnino, Florent, 2018, « Critique des Surveillance Studies », Déviance et Société, 2018/1, (Vol.42), pp.9-40.
  • Larsen, Mike, Piché, Justin, 2009, “Public vigilance campaigns and participatory surveillance after 11 September 2001”, in S. Hier, J. Greenberg (Eds.), Surveillance: Power, Problems, Politics, Vancouver, UBC Press, 197-202.
  • Laurent, Sebastien, 2021, “The archipelago of Global Surveillance – without states – in the western world”, in Andrea Marklund, Laura Skouvig, Histories of Surveillance from Antiquity to the Digital Era, Routledge.
  • Magnon-pujo, Cyril, 2011, « La souveraineteì est-elle privatisable ? La reìgulation des compagnies de seìcuriteì priveìe comme reneìgociation des frontieÌres de l’Eìtat », Politix, 3, n.95, pp.129-153.
  • Mann, Steve, Nolan, Jason, Wellman, Barry, 2002, “Sousveillance: inventing and Using Wearable Computing Devices for Data Collection in Surveillance Environments”, Surveillance and Society, 1,3, 331-355.
  • Marx, Gary, 2002, « What’s New About the New Surveillance »? Classifying for Change and Continuity », Surveillance & Society 1.1: 9-29.
  • Tomini, Luca, 2021, “Don’t think of a wave, a research note about the current autocratization debate”, Democrtization, Vol.28, Issue 6.
  • Treguet, Felix, UTIC (usages des techniques d’interception de communications) Delivrable 5, US Technology Companies and State Surveillance in the Post-Snowden context: Between Cooperation and Resistance.
  • Ventre, Daniel, Guillot, Philippe, 2023, Interceptions des communications téléphoniques, ISTE Éditions.