19/04/2022

Vers une convergence des luttes ? une analyse du mouvement social de 2021 en Tunisie

photo manifestation Tunis
Manifestation du 6 février 2021, Tunis / © Y. Ben Ammar

Par Yasmine Ben Ammar

Introduction

 

De décembre 2020 à janvier 2021, le dixième anniversaire de la révolution tunisienne est marqué par une série d’événements sociaux et politiques importants[1] lors desquels un rapprochement entre différents groupes contestataires a pu être observé. Si les difficultés socio-économiques avaient déjà fortement détérioré la situation en Tunisie, ce sont les crises politique et institutionnelle ainsi que la gestion funeste de la pandémie liée à la COVID-19 qui ont embrasé le pays. En effet, au-delà des multiples querelles partisanes qui ont animé le parlement tunisien après les élections de 2019[2], le remaniement ministériel proposé par le chef du gouvernement Hichem Mechichi le 16 janvier 2021, et rejeté par le président de la République Kais Saïed, a fini par aggraver le conflit entre les deux têtes de l’exécutif [3].

C’est dans ce climat tendu, et faisant suite à l’annonce d’un confinement général de quatre jours à partir du 14 janvier 2021[4], qu’éclatent plusieurs mouvements de protestation dans les quartiers populaires aux alentours de Tunis et dans les régions marginalisées de l’intérieur du pays. Les revendications des protestataires sont essentiellement d’ordre économique et social : contre la corruption et le chômage, pour les droits des blessés et des martyrs de la révolution, ou encore contre les violences policières[5]. Mais, on y trouve également plusieurs slogans relatifs aux libertés individuelles contre la criminalisation du cannabis ou encore pour la dépénalisation de l’homosexualité. En effet, l’originalité du mouvement social tunisien de 2021, réside dans la visibilité des militants et militantes queer[6]durant les manifestations de rue. Bien qu’ayant participé à de nombreux mouvements contestataires précédents à titre individuel ou en tant que militants de gauche, plusieurs personnes LGBTQ ont décidé d’exprimer une identité politique propre au sein du mouvement social de 2021. Comment expliquer ce changement stratégique ? La présence des militants et militantes queer est-elle le fruit d’un rapprochement entre les revendications de la communauté LGTBQ et d’autres groupes marginalisés en Tunisie ? Si tel est le cas, quels sont les facteurs qui expliqueraient cette convergence ?

photo Yasmine Ben Ammar

Yasmine Ben Ammar

 

Yasmine Ben Ammar est diplômée de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en science politique, section : Études africaines et méditerranéennes. Elle travaille sur les questions de genre en Tunisie. Cet article est issu de son mémoire de recherche en Master 2. Yasmine effectue actuellement un stage de recherche au CAREP Paris.

Pour répondre à ces interrogations, nous reviendrons d’abord, brièvement, sur la genèse d’un militantisme queer en Tunisie. Puis, nous verrons comment la crise sanitaire a exacerbé la précarité des personnes LGBTQ en les marginalisant davantage et en les exposant de plus en plus à la répression policière. Enfin, nous tenterons de montrer comment cette répression a joué le rôle de catalyseur dans la convergence de différentes formes de luttes sociales en Tunisie.

Notre étude repose sur un travail de terrain de six mois, effectué à Tunis, de janvier 2021 à juin 2021, dans le cadre de la réalisation d’un mémoire de recherche en Master 2 de science politique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne[7]. Elle s’appuie sur une série de onze entretiens semi-directifs avec des militants et militantes LGBTQ, ainsi que sur trois entretiens journalistiques menés dans le cadre d’un stage au sein d’Inkyfada[8], un média d’investigation indépendant tunisien.

Nous avertissons notre lecteur que nous utilisons dans cet article le sigle LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenres) lorsque nous faisons référence à une période, qui précède 2015, durant laquelle le terme « queer » n’est pas encore employé par les personnes concernées. Nous écrivons LGBTQ (le Q désignant les personnes queer) quand nous évoquons une période plus récente, post-2015, durant laquelle le terme queer est revendiqué et utilisé par les militantes et les militants eux-mêmes.

Des cercles d’entraides aux associations : une brève histoire des luttes queer en Tunisie

Les protestations de 2020-2021 ont largement été soutenues par différentes associations LGBTQ tunisiennes. Plusieurs personnes, se définissant comme queer, ont participé, voire, ont organisé ces manifestations. Pour la toute première fois, ces dernières ont été le théâtre de rencontres entre différents groupes sociaux politiquement identifiables : blessés de la révolution, habitants des quartiers populaires, associations LGBTQ, organisations de gauche, collectif contre la loi 52[9] ou encore groupe antifasciste. Toutefois, si la visibilité des mouvements LGBTQ dans l’espace public tunisien a pu étonner certains, leur existence ne surprend plus depuis la révolution de 2011.

Certes, il demeure particulièrement difficile de retracer les prémices des luttes LGBT pré-2011 en raison de l’opacité du régime de Ben Ali et du contexte autoritaire en Tunisie avant la révolution. De ce fait, il n’est pas évident de connaître l’ampleur de la répression qui a visé les personnes LGBT ou de tracer l’histoire des différentes formes de résistance et d’actions collectives informelles avant cette date. Nous pouvons néanmoins repérer deux évènements majeurs, l’apparition de l’épidémie du SIDA et la démocratisation des sites de rencontre gay, qui occasionnent un changement « des opportunités politiques [10] » et permettent la formation des premiers cercles organisés, bien qu’informels, d’entraides et de sociabilité entre personnes homosexuelles. Ces réseaux ou « structures dormantes[11] » se politiseront davantage avec la révolution de 2011 et constitueront pour la plupart, la première génération de militants LGBTQ en Tunisie[12].

Ainsi, en 1990, l’avènement de l’épidémie du sida conduit à la création de l’Association tunisienne de lutte contre les MST et le SIDA (ATL), soit six ans après le signalement du premier cas en Tunisie. Cette association devient au fil des années un lieu d’échange, de rencontres mais également d’apprentissage où va se construire peu à peu un militantisme LGBT qui ne dit pas encore son nom. Le militantisme au sein de l’ATL a donc représenté pour plusieurs personnes LGBT l’opportunité de se créer un réseau militant et de rencontrer d’autres personnes issues de la communauté, comme l’explique un ancien militant de l’association : « Lorsque nous étions adolescents, l’ATL c’était un peu notre seul espace de liberté [..] c’était une porte d’entrée pour le militantisme LGBT et une maison pour les personnes exclues de la société[13] ». Néanmoins, si l’ATL regroupe essentiellement des hommes homosexuels, les militantes féministes non hétérosexuelles, elles, tentent au même moment d’imposer la question LGBT et la défense des droits des minorités sexuelles et de genre au sein de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD[14]).

Une décennie plus tard, vers le milieu des années 2000, la démocratisation d’Internet ainsi que la multiplication de sites de rencontres gays et de blogs en ligne en Tunisie engendrent une vague d’outing[15]. En effet, plusieurs personnes – dont des policiers – s’inscrivent sur ces sites afin de collecter des informations confidentielles ou encore des photos privées d’hommes gays tunisiens. Ces derniers, victimes de chantage voire d’extorsion, se retrouvent parfois outés à leurs entourages. Rejetés par leurs familles, ils finissent très souvent à la rue. Certains d’entre-eux trouvent refuge au sein d’un appartement du centre-ville de Tunis, connu sous le nom de « L’appartement 19 ». Ce lieu, qui s’est peu à peu transformé en « un espace de solidarité intracommunautaire[16] », fournissait non seulement un soutien psychologique, mais également matériel aux personnes qui le fréquentaient. En cela, il a fait naître chez beaucoup d’habitués un sentiment d’appartenance à la communauté gay créant ainsi les fondements d’un militantisme LGBT underground.

Dix ans après, la sortie de la clandestinité de certains groupes militants LGBT s’est faite après l’entrée en vigueur du décret-loi du 24 septembre 2011[17] facilitant la création et l’organisation d’associations[18]. C’est notamment à la suite de ce décret que le groupe d’amis de « L’appartement 19 » créera Damj, l’association tunisienne pour la justice et l’égalité. Damj (en arabe « inclusion ») est une association ancrée à gauche qui œuvre « pour l’inclusion, la défense des minorités et des groupes marginalisés dont la communauté LGBTQ [19] ».

À côté de ces groupes underground devenus visibles, se sont également constituées d’autres associations à l’instar de Chouf, Mawjoudin et Shams. L’association féministe LBT[20] Chouf (en tunisien « regarde »), a ainsi été créée en 2012[21]. Elle lutte pour « les droits corporels et individuels des femmes dans leurs complexités et dans leurs différences. » et a pour objectif de « permettre aux femmes tunisiennes et plus spécifiquement aux femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes d’accéder à un espace de parole et de construction[22] ». Quant à l’Initiative Mawjoudin[23] pour l’égalité, elle anime plusieurs événements artistiques et culturels destinés aux personnes LGBTQ. L’ONG fondée en 2015, organise depuis 2018 le premier festival de cinéma queer d’Afrique du Nord. Enfin, l’association Shams pour la dépénalisation de l’homosexualité[24] a été fondée en 2015 et œuvre pour la défense des droits des personnes LGBT. Elle est la plus médiatisée d’entre toutes, notamment parce qu’elle est la seule à avoir été enregistrée en tant qu’association LGBT en Tunisie[25].

Toutes ces organisations demandent l’abrogation de l’article 230 du Code pénal tunisien[26] et s’opposent à la pratique du test anal pour prouver l’homosexualité masculine des personnes dites « passives ». Toutefois, on aperçoit depuis quelques années l’apparition de nouvelles revendications pour des droits économiques et sociaux au sein de la communauté LGBTQ[27]. Ce sont ces nouvelles revendications, ainsi que l’ouverture progressive de certaines organisations féministes et de gauche aux problématiques LGBTQ, qui ont permis une articulation conjoncturelle entre différentes luttes politiques et sociales en Tunisie durant les mouvements de protestation entre la fin de l’année 2020 et le début de l’année 2021.

Ces nouvelles revendications ont été en partie favorisées par la crise sanitaire qui a conduit à une précarisation ainsi qu’à une répression de plus en plus forte envers les personnes LGBTQ.

La crise sanitaire comme catalyseur : entre précarisation et répression des groupes marginalisés


La crise de la COVID-19 a particulièrement marqué les mouvements sociaux tunisiens dans leur ensemble, et les luttes LGBTQ en particulier. Ces dernières « ont été profondément touchées par les mesures de confinement sans précédent qui ont exhorté des millions de citoyens à rester chez eux[28]. » Néanmoins, contrairement aux attentes, la situation sanitaire n’a pas affaibli les revendications des mouvements sociaux. Loin de là, ces derniers ont su s’adapter aux nouvelles circonstances à la fois en radicalisant leurs demandes et en innovant leurs modes d’action[29]. De plus, la crise sanitaire a également transformé l’espace des mouvements sociaux[30] comme en atteste la visibilisation des revendications des personnes LGBTQ que nous allons aborder ci-dessous.

Pour la chercheuse Hela Yousfi, « outre les défis économiques et sanitaires immédiats, la pandémie a mis en évidence les effets dramatiques des inégalités sociales et économiques structurelles en frappant d’abord les minorités […] et les populations des quartiers pauvres[31]. » En Tunisie, la pandémie a fortement touché les minorités sexuelles et de genre précaires, surtout les personnes trans et les travailleurs/-euses du sexe, déjà vulnérables. Une étude citée par un récent rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU met en exergue la grande précarité économique des personnes trans en Tunisie dont le revenu mensuel est souvent inférieur à 100 TND (soit environ 30 €). Cette étude indique par ailleurs « un taux particulièrement élevé de chômage parmi les personnes [trans] ayant un diplôme universitaire (74 % comparé à 15,1 % dans la population) en raison, notamment, d’attitudes négatives par rapport à la diversité sexuelle et de genre rendant le cadre professionnel hostile[32] ».

Par conséquent, la gestion sécuritaire de la crise sanitaire, couplée aux restrictions de déplacement et à la fermeture des lieux de travail, a particulièrement précarisé les personnes LGBTQ, notamment celles issues de milieux populaires, celles exerçant les métiers dits « de la nuit[33] » ainsi que les travailleurs/-euses journaliers/-ères. Ces populations, déjà marginalisées et réprimées avant la pandémie, se retrouvent encore plus exposées aux contrôles et aux violences policières avec l’entrée en vigueur des restrictions. Du fait d’une augmentation considérable des arrestations et des agressions dont sont victimes les personnes LGBTQ, des militants et militantes queer décident de mettre en place des réseaux d’entraide. Ces derniers se sont essentiellement constitués sur Internet, notamment grâce à des groupes Facebook, pour aider soit à la recherche de logements, soit pour récolter des dons ou encore pour fournir un soutien psychologique, via des numéros d’écoute et de prise en charge.

Outre l’engagement des associations auprès des personnes LGBTQ vulnérables, certains militants et militantes ont aussi décidé d’afficher une identité politique queer au sein des manifestations de rue pour dénoncer ouvertement les répressions et les violences policières dont les personnes LGBTQ ont été victimes. Un militant de l’association Damj témoigne ainsi : « La violence qu’on vit est devenue visible. Tout le monde la voit, les citoyens, les organisations nationales et internationales et l’État, mais personne ne bouge. On a donc décidé de devenir visible dans les manifestations. C’est notre riposte face à la violence policière[34] ».

Toutefois, cette nouvelle visibilité des militants LGBTQ au sein des mouvements sociaux a également suscité de vives critiques parmi les manifestants eux-mêmes. En effet, certaines personnes ont vu d’un mauvais œil ce qu’ils ont qualifié d’« affichage identitaire » dans les cortèges qui – selon eux – attisait la violence policière. D’autres craignaient d’être associés à des personnes LGBTQ. D’autres encore, accusaient les militants de récupération politique en leur reprochant le fait de s’approprier l’espace médiatique afin de promouvoir les revendications LGBTQ au détriment des revendications économiques et sociales. Du côté des associations queer, certains membres ont aussi émis des critiques, à l’instar de Béchir[35], membre de l’association Shams, pour qui la participation en tant que LGBTQ dans les manifestations aux côtés des syndicats de gauche revient à être :

« Une normalisation et un blanchiment de l’homophobie ! Depuis quand l’Union générale tunisienne du travail (UGTT[36]) est gayfriendly ? Ils ne le sont pas. Quand on manifeste avec eux, on les blanchit, on envoie un signal comme quoi ce n’est pas grave d’être homophobe. Depuis quand les mouvements sociaux, les gens issus des quartiers populaires sont gayfriendly ? Ils ne le sont pas ! On peut certes défendre leur cause, mais pas au point de s’impliquer et de participer aux manifestations en tant que LGBTQ »[37].

Ces voix discordantes entre militants LGBTQ sont toutefois à analyser dans un contexte de relations conflictuelles entre les deux associations Damj et Shams, qui structurent les luttes queer en Tunisie[38]. Néanmoins, la question de la place des personnes LGBTQ au sein des cortèges paraît secondaire face à l’ampleur de la répression policière généralisée durant les manifestations d’octobre 2020 à mars 2021.

L’émergence d’une convergence conjoncturelle des luttes

Dans une récente interview radiophonique[39], le militant Saif Ayadi, membre de l’association Damj et du collectif civil pour les libertés individuelles[40] (CCLI), présentait le rapport des associations tunisiennes à destination du Conseil des droits de l’homme de l’ONU[41] en notant : « Ce qui ressort le plus dans ce rapport, là où il y a une intersection avec l’ensemble des droits et des libertés, c’est la question des violences policières et de l’impunité de la police ».

De ce fait, les violences policières ont permis d’instaurer une conjoncture favorable à la convergence des luttes en Tunisie. Durant le mouvement social de 2021, l’action collective s’est donc focalisée autour de la lutte contre différentes formes de domination (économique, sociale ou encore de genre), marquant de ce fait le décloisonnement de certains mouvements. Ainsi Ahmed[42], membre de l’association Damj, nous explique sa vision de ce rassemblement dans un entretien :

« À mon avis la goutte d’eau qui a fait déborder le vase c’était la loi de protection des forces de l’ordre, car la communauté LGBT, les travailleuses du sexe, les personnes trans et queer sont en première ligne des violences policières. Il y a donc eu une intersection entre les personnes concernées par la répression policière. Dans une même manifestation contre cette loi, on retrouve les groupes ultras (supporters de football), les féministes, les défenseurs des droits humains, la gauche et la communauté LGBT. Ce sont ces gens-là qui, à mon avis, sont à l’intersection de toutes les formes de répression et de domination, alors c’est normal qu’ils s’allient dans la lutte. Personne ne peut remettre en cause la place de la communauté LGBT au sein du mouvement social, parce qu’à chaque manifestation nous sommes en première ligne, nous nous faisons arrêter en premier et nous revenons à la charge après ».

En frappant différents groupes sociaux marginalisés (habitants des quartiers populaires, personnes LGBTQ, personnes précaires), la répression policière a favorisé la création de nouvelles coalitions militantes à partir des différentes composantes du mouvement social. Face à cette volonté de construire un front commun, la police a, quant à elle, instrumentalisé les LGBT-phobies pour démultiplier les violences à l’encontre des personnes et des militants queer d’une part et pour diviser et décourager le mouvement social d’autre part. Ainsi, la participation des personnes queer au mouvement social a servi de prétexte pour réprimer davantage la communauté LGBTQ en Tunisie (arrestations arbitraires, coups et blessures, outing forcé, etc.).

Cette répression ne s’est pas limitée aux personnes LGBTQ, elle a aussi fortement touché les habitants des quartiers populaires, les militants des droits humains et les participants au mouvement social en général. À la suite des manifestations de janvier 2021, les associations de la société civile tunisienne ont recensé plus de 1 500 arrestations – dont 30 % concernent des mineurs – survenues en l’espace de deux semaines seulement, 24 signalements de violations à l’encontre de militants et militantes de droits humains, de multiples cas de détention arbitraire, de torture, de menaces, d’intimidation, de harcèlement et de surveillances en ligne[43]. Le nombre d’arrestations dépassera les deux milles en mars 2021. Au fil des mois, plusieurs affaires emblématiques, dont nous en relatons quelques-unes ci-après, ont choqué l’opinion publique et ont confirmé le caractère autoritaire et répressif de la gestion des manifestations en Tunisie.

Le 24 janvier 2021, un jeune manifestant est tué par un tir de lacrymogène à Sbeitla, dans le gouvernorat de Kasserine au centre-ouest de la Tunisie, lors d’une émeute nocturne. Le 6 mars 2021, à Sfax, en marge des manifestations, un homme, arrêté pour non-respect du couvre-feu, meurt en détention après avoir été privé d’insuline. Le 8 mars, trois militants de la société civile sont arrêtés à leur domicile pour « outrage à agent » et sont accusés d’avoir tenu des propos « anti-flics ». Le 10 juin, à la suite de sa participation aux manifestations, Badr Baabou, président et cofondateur de Damj, est agressé et menacé de mort par quatre individus non identifiés dans le centre-ville de Tunis sous le regard d’une patrouille de police. Le même jour, une vidéo montrant des policiers traîner un jeune homme au sol et lui retirer son pantalon circule sur les réseaux sociaux. La victime sera identifiée plus tard ; il s’agit d’un garçon de 15 ans habitant de Sidi Hassine, quartier populaire de la banlieue ouest de Tunis, qui participait à une manifestation dénonçant la mort d’un habitant de son quartier lors d’une interpellation par les forces de l’ordre[44].

La violence policière et institutionnelle généralisée à toutes les composantes du mouvement social tunisien a fait émerger le caractère commun de leur condition : la marginalité ou al choudhoudh en arabe. Si le terme « choudhoudh » est souvent associé à l’homosexualité, il vient de l’adjectif « chadh[45] qui désigne aussi bien le marginal, le déviant que l’étranger. Cet adjectif semble ainsi le plus adéquat pour désigner aussi bien les personnes queer, jugées déviantes par rapport aux normes cisgenre[46] et hétérosexuelles, que les habitants et habitantes des quartiers populaires ou issues des régions de l’intérieur du pays exclus socialement, économiquement et géographiquement des cercles « dominants ».

En 1971, le sociologue français Guy Rocher notait déjà que « le statut de marginalité [..] [était] l’aliénation sociale la plus absolue.[47] » C’est bien cette aliénation qui a nourri la radicalité des discours et des revendications des participants et participantes au mouvement social. Or, « une atmosphère idéologique marquée par le radicalisme politique dans la gauche […] fournit également un modèle à l’émergence de mouvements gais et lesbiens plus radicaux, qui leur empruntent leurs cadres d’action et de pensée[48]. » Par conséquent, c’est grâce à la proximité idéologique, spatiale mais également amicale entre les militants et militantes d’extrême gauche et celles et ceux de l’association Damj que des revendications d’ordre socio-économique, notamment anticapitalistes, ont émergé au sein des luttes queer en Tunisie. Myriam, militante queer et féministe, nous raconte ainsi :

« Les rares fois où j’ai vu une convergence c’est avec les mouvements initiés par Damj contre l’impunité de la police et avec ce qui s’est passé fin 2020 et en janvier 2021. C’est la première fois que je vois des militants ouvertement queer qui sortent manifester pour des questions qui ne sont pas principalement queer, mais ça ne veut pas dire que ça ne les concerne pas pour autant[49] ».

Ce sont effectivement des enjeux communs, tels que des revendications pour plus de liberté et de dignité, contre les inégalités socio-économiques, entre autres, ainsi qu’un travail de tissage et de maintien de relations entre militants qui ont été à l’origine de la rencontre des luttes queer, avec d’autres mouvements sociaux[50] lors des protestations de 2020-2021.

Si la violence policière a participé au rapprochement des différentes luttes sociales en 2021, c’est également parce que le terrain y était favorable. En effet, le « travail de coalition[51] » entre les différents mouvements sociaux tunisiens est le résultat d’un long et fastidieux processus engagé bien avant 2021. Aujourd’hui, pour beaucoup de militants tunisiens, les luttes sont interdépendantes comme l’explique la militante féministe Shams Radhouani au sujet de la dépénalisation de l’homosexualité : « Si on arrive à se débarrasser de l’article 230, c’est qu’on s’est débarrassé d’une loi française[52]. C’est que c’est un pas en avant dans le processus d’indépendance politique, économique et juridique en quelque sorte[53]».

Pour la sociologue Abir Kréfa, ce qui se joue au sein des mouvements sociaux tunisiens récents ressemble au processus révolutionnaire de 2011. Ainsi, « la politisation transgressive, la radicalisation du mouvement, ainsi que la désectorisation des revendications[54] » ont favorisé le rapprochement entre les groupes contestataires :

« La révolution a été un moment de socialisation, d’apprentissage politique et d’entrée dans l’espace protestataire de nouvelles générations de militants et militantes de gauche et d’extrême gauche, comme à l’Union Générale des Étudiants Tunisiens ou dans les organisations de jeunesse. Ces dernières sont plus ouvertes sur les questions de genre et de sexualité que les générations précédentes [55] ».

Dès lors, comme en 2011, la rencontre des groupes sociaux hétérogènes est permise et facilitée par des facteurs contingents (tels que la crise sanitaire, le contexte politique, la désectorisation des revendications, les facteurs socio-économiques, etc.) ainsi que par des expériences de mobilisations antérieures[56]. Néanmoins, d’autres éléments explicatifs, tels que l’ouverture progressive des nouvelles organisations de gauche à la question des droits LGBTQ d’une part, et le renouvellement générationnel dans l’espace militant d’autre part, doivent aussi être pris en considération dans la formation des alliances entre militants queer, féministes et de gauche.

Conclusion

Dans notre étude, nous nous sommes intéressés à l’émergence d’une convergence entre différents groupes du mouvement social tunisien de 2021. Notre recherche nous a permis de mettre en évidence le jeu multifactoriel qui a rendu possible ce que nous avons nommé la « convergence conjoncturelle » des luttes en Tunisie.

La crise sanitaire de la COVID-19, en accélérant la détérioration de la situation socio-économique, a grandement participé à la précarisation des groupes marginalisés et au renforcement des pratiques répressives du gouvernement tunisien à leur égard. C’est donc contre des dispositifs et des politiques économiques et sociales particulièrement violentes que plusieurs groupes sociaux se sont soulevés. Nous avons démontré que la participation des militants et militantes queer au mouvement social s’expliquait principalement par la marginalisation sociale et économique des membres de la communauté LGBTQ ainsi que par leur surexposition aux violences policières.

Seulement, face à l’ampleur de la répression qui a visé l’ensemble du mouvement social et les militants et militantes queer en particulier, les questions relatives à leur visibilité et à leur participation aux côtés des organisations et groupes de gauche ont provoqué de vifs débats et de multiples désaccords au sein du mouvement social global, ainsi qu’à l’intérieur des associations LGBTQ.

Bien qu’il s’inscrive dans un contexte autoritaire plus général, le gain de visibilité au sein du mouvement social a entraîné une nouvelle vague de répression étatique envers les personnes LGBTQ. Des scènes de violences policières ainsi que des procédures judiciaires abusives et arbitraires ont pu être observées à la suite de la participation de militants et militantes queer aux manifestations[57].

Cette répression généralisée au reste du mouvement social semble également s’inscrire dans une volonté du gouvernement tunisien de mettre fin au processus révolutionnaire « Sur le plan de la libéralisation politique, parce que l’une des conquêtes de la révolution c’est de pouvoir s’organiser politiquement et librement – surtout pour les classes moyennes urbaines — c’est quelque chose qui est très menacé actuellement[58] » comme l’explique A. Kréfa.

Toutefois, même si les violences exercées sur l’ensemble des participants au mouvement social visent à refermer la parenthèse révolutionnaire en Tunisie, le rapprochement entre les différents groupes sociaux marginalisés qu’elles ont entraîné semble avoir initié une nouvelle dynamique au sein des luttes politiques et sociales dans ce pays.


Notes :

[1] Nous recensons entre le 9 novembre 2020 et le 17 décembre 2020 : 19 manifestations, 12 Sit-in, 4 grèves générales et 11 fermetures de sites de production.

[2] « En Tunisie, une bagarre au Parlement met le feu aux poudres ». Courrier international, 8 décembre 2020, www.courrierinternational.com/revue-de-presse/crise-en-tunisie-une-bagarre-au-parlement-met-le-feu-aux-poudres, consulté le 10 septembre 2121.

[3] Mona SAANOUNI, Saïed à Mechichi : Le remaniement ministériel a transgressé certaines dispositions de la Constitution, andalou agency, www.aa.com.tr/fr/politique/sa%C3%AFed-%C3%A0-mechichi-le-remaniement-minist%C3%A9riel-a-transgress%C3%A9-certaines-dispositions-de-la-constitution/2145941, consulté le 10 septembre 2021.

[4] Le 14 janvier est une date symbolique qui marque la fuite de l’ex-président Ben Ali. C’était également un jour férié en Tunisie marquant la « Fête de la révolution et de la jeunesse. ».

[5] Toutefois, pour être plus précise, les manifestations contre les violences policières débutent en octobre 2020 suite à l’examen par l’Assemblée des représentants du peuple du projet de loi n° 25/2015 « relatif à la répression des atteintes contre les forces armées », qui selon Amnesty International « pourrait incriminer le comportement des journalistes, des lanceurs d’alerte, des défenseurs des droits humains et de tout individu qui critique la police, et permettent également aux forces de sécurité d’utiliser la force létale lorsque celle-ci n’est pas strictement nécessaire pour protéger des vies humaines ».

[6] « Queer est un terme anglais signifiant « étrange » fréquemment utilisé comme une insulte visant à stigmatiser les homosexuel.les ou toute autre catégorie de personnes n’entrant pas dans les normes dominantes du genre ou de la sexualité. C’est par une opération de retournement du stigmate ou « resignification » que des militant.es et universitaires ont repris l’étiquette « queer » à la fin des années 1980 et au début des années 1990, revendiquant un positionnement politique critique. Tout en considérant les identités comme n’ayant pas de fondement naturel, ce mouvement s’affirme par une revendication stratégique faisant des identités sexuelles et de genre minoritaires le lieu de la contestation des normes dominantes. » in Laure BERENI et al. Introduction aux études sur le genre. 3e éd., De Boeck Sup, 2020. Cependant, en Tunisie, le terme queer est plutôt utilisé par les militants LGBTQ comme un terme « parapluie », synonyme de LGBTQ.

[7] Yasmine BEN AMMAR, Les luttes queer à l’aune des mouvements sociaux en Tunisie. Mémoire de master 2 sous la direction de Assia Boutaleb, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021.

[8] Site d’Inkyfada : https://inkyfada.com/fr/

[9] La loi 52 est une loi tunisienne qui criminalise la consommation de cannabis.

[10] Doug MCADAM, Political Process and the development of Black Insurgency, 1930-1970, The University of Chicago press book, 1982.

[11] Verta TAYLOR, « Social Movement Continuity: The Women’s Movement in Abeyance », American Sociological Review, 1989, Vol. 54, No. 5, pp. 761-775.

[12] Pour aller plus loin voir l’article de Abir KREFA, « Le mouvement LGBT tunisien : un effet de la révolution ? », Ethnologie française, 2019/2 (Vol. 49), p. 243-260. https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2019-2-page-243.htm

[13] Entretien réalisé le 17 avril 2021 à Tunis avec Rachid. Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des militants.

[14] L’association tunisienne des femmes démocrates est une association féministe fondée en 1989 qui œuvre « contre le système patriarcal, contre toutes les formes de discrimination des sexes, contre toutes les formes de violences faites aux femmes et […] pour faire évoluer et diffuser un discours féministe, laïque, et progressiste pour une Tunisie qui respecte la dignité, les libertés, la démocratie, l’égalité et la justice sociale. »

[15] « La technique d’outing consiste à révéler contre son gré l’homosexualité d’une personne donnée, » in Michèle FOURNIER, « L’outing : une forme de délation ciblant les homosexuels », in Jean-Paul BRODEUR (éd.), Citoyens et Délateurs. La délation peut-elle être civique ? Paris, Autrement, 2005, pp. 130-137.

[16] Ramy KHOUILI et Daniel LEVINE-SPOUND, Article 230 : Une histoire de la criminalisation de l’homosexualité en Tunisie, octobre 2017, https://article230.com/wp-content/uploads/2019/07/Livre-Article-230-FR-WEB.pdf, consulté le 3 mars 2021.

[17] Pour aller plus loin : https://www.acm.gov.tn/upload/1410083987.pdf

[18] Le nombre d’associations serait passé de 8 000 à 22 000 selon les estimations, voir sur Webdo.tn, 11 février 2019 : https://www.webdo.tn/2019/02/11/tunisie-depuis-la-revolution-le-nombre-dassociations-est-passe-de-8000-a-22-000/, consulté le 3 mars 2022.

[19] Source : Damj l’Association Tunisienne pour la justice et l’égalité, in Jamaity, https://jamaity.org/association/damj-lassociation-tunisienne-pour-la-justice-et-legalite/, consulté le 3 mars 2021.

[20] Lesbienne, bi, trans.

[21] L’association a été enregistrée en France en 2013 puis en 2015 en Tunisie.

[22] Source : Chouf Minorities, Jamaity, https://jamaity.org/association/chouf-minorities/, consulté le 3 mars 2021.

[23] Mawjoudin veut dire « nous existons » en dialecte tunisien.

[24] Le nom de l’association est inspiré du nom de Shams Ed Din Tabrizi, mystique iranien soufi et maître spirituel de Rûmî.

[25] Tandis que les autres associations LGBT sont enregistrées en tant qu’associations de défense des droits des minorités en général ou des droits de l’homme.

[26] Ce Code pénal, datant de 1913, prévoit jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour homosexualité (féminine et masculine).

[27] Noujoud REJBI et Yasmine BEN AMMAR, « Une parmi deux mille : l’affaire Rania Amdouni à l’intersection des luttes », in Inkyfada, 17 mars 2021, https://inkyfada.com/fr/2021/03/17/rania-amdouni-intersectionnalite-tunisie/, consulté le 20 avril 2021.

[28] Hela YOUSFI, Les mouvements sociaux à l’épreuve de la crise pandémique : même problèmes et nouvelles organisations ? Covid-19 regards croisés sur la crise, Dauphine Paris, mars 2021, pp. 109-112.

[29] Multiplication des initiatives en ligne (exemple : campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux, live Facebook ou Instagram), non-respect des couvre-feux et des restrictions de déplacements lors des manifestations, utilisation de moyens spectaculaires (jet de peinture sur les agents de police, utilisation de feu d’artifice dans les émeutes nocturnes, etc.).

[30] Mathieu LILIAN, « L’espace des mouvements sociaux », Politix, vol. nº 77, no. 1, 2007, pp. 131-151.

[31] Ibid.

[32] « Observations préliminaires sur la visite en Tunisie par l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre », Nations Unies conseil des droits de l’homme, juin 2021.

[33] Tels que les métiers de l’évènementiel, barman, serveur, gérant de clubs mais également le travail du sexe.

[34] Entretien avec Sami, militant Damj, réalisé en février 2021 à Tunis. Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des militants.

[35] Les noms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des personnes citées.

[36] L’Union générale tunisienne du travail est « avec 750 000 adhérents […] la première force syndicale tunisienne après avoir été longtemps la seule […] concentrée dans le secteur public, elle se compose de vingt-quatre unions générales, dix-neuf fédérations sectorielles et vingt-et-un syndicats de base. Elle fédère de nombreuses tendances politiques et compte des membres dans toutes les régions et dans de nombreuses catégories sociales : ouvriers, fonctionnaires, médecins, etc. Fondée en 1946 par Farhat Hached et d’autres syndicalistes tunisiens, l’UGTT est issue d’une rupture avec la Confédération générale du travail (CGT) française. », Héla YOUSFI, « l’UGTT à l’épreuve de la recomposition du champ politique et social », in Amin ALLAL et Vincent GEISSER (dir), Tunisie une démocratisation au-dessus de tout soupçon ? Paris, CNRS éditions, 2018, pp 73-87.

[37] Entretien avec Béchir, militant de l’association Shams, le 16 juin 2021 à Tunis. Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des militants.

[38] Au-delà des différends stratégiques et idéologiques, Shams étant une association qui se veut « apolitique » tandis que Damj revendique un positionnement politique à gauche, il s’agit d’une véritable rupture officialisée par un communiqué de la Coalition tunisienne pour les droits des LGBTQI+ datant du 24 avril 2018. Dans ce communiqué la coalition composée des associations Damj, Mawjoudin et Chouf dénonce des pratiques d’outing et la violation de la vie privée de personnes vulnérables au sein de Shams et accuse l’ancien président de l’association de harcèlement sexuel sur mineur et d’appel à la normalisation avec l’État d’Israël. Pour aller plus loin : Colin STEWART, « Clivage entre des défenseurs des droits LGBT tunisiens », in 76 crimes en français, https://76crimesfr.com/2018/04/25/clivage-entre-des-defenseurs-des-droits-lgbt-tunisiens/, consulté le 12 avril 2022.

[39] Emission Midi Show, MosaiqueFM : https://www.mosaiquefm.net/fr/podcast/midi-show/651596/invites-sghaier-zakraoui-seif-ayadi,  consultée le 23 mars 2022.

[40] Créé en 2016, le Collectif civil pour les libertés individuelles rassemble plus de 40 associations (dont des associations LGBTQ) qui œuvrent pour la défense et le renforcement des libertés individuelles en Tunisie.

[41] Il s’agit du rapport des parties prenantes soumis à l’examen périodique universel de la Tunisie (EPU). « L’Examen périodique universel (EPU) […] consiste à passer en revue les réalisations de l’ensemble des États membres de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme. Il s’agit d’un processus mené par les États, sous les auspices du Conseil des droits de l’homme. Il fournit à chaque État l’opportunité de présenter les mesures qu’il a prises pour améliorer la situation des droits de l’homme sur son territoire et remplir ses obligations en la matière. », https://www.ohchr.org/fr/hr-bodies/upr/upr-main, consulté le 31 mars 2022.

[42] Extrait d’un entretien mené en février 2021 à Tunis. Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des militants.

[43] « Violences policières et criminalisation des activistes et des défenseur.es des droits humains », Association tunisienne de défense des libertés individuelles, Tunis, février 2021.

[44] RFI, Tunisie : troubles et manifestations contre les violences policières, juin 2021. https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210614-tunisie-troubles-et-manifestations-contre-les-violences-polici%C3%A8res-%C3%A0-tunis, consulté le 30 juin 2021

[45] AL Chadh : le solitaire, ou celui qui est en dehors du groupe, celui qui va à l’encontre de la règle ou de la mesure.

[46] « Le terme “cisgenre” apparaît dans les années 1990 au sein de la communauté trans. L’étymologie latine “cis” renvoie à quelque chose situé “dans les limites de”, formant ainsi l’antonyme de trans. Une personne cisgenre s’identifie au sexe qui lui a été assigné à la naissance. ». in Laure BERENI, Sébastien CHAUVIN, Alexandre JAUNAIT, et Anne REVILLARD, chapitre I Sexe et genre, Introduction aux études sur le genre, Deboeck supérieur 3e édition, 2020, pp. 25-88.

[47] Guy ROCHER, « La marginalité sociale. Un réservoir de contestation », in Claude Ryan, Le Québec qui se fait, Montréal : Les éditions Hurtubise HMH, 1971, pp. 41-47

[48] Sébastien CHAUVIN et Arnaud LERCH, Sociologie de l’homosexualité. Paris, La Découverte, 2013.

[49] Entretien réalisé le 17 février 2021 à Tunis. Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des militants.

[50] Par exemple : des groupes de gauche et d’extrême gauche, des groupes féministes, ou encore les groupes des habitants des quartiers populaires.

[51] Suzanne STAGGENBORG, « Coalition Work in the Pro-Choice-Movement: Organizational and Environmental Opportunities and Obstacles », Social Problems, 33 (5), 1986, p. 374-39

[52] Ramy KHOUILI et Daniel LEVINE-SPOUND, Article 230 : Une histoire de la criminalisation de l’homosexualité en Tunisie, octobre 2017, https://article230.com/wp-content/uploads/2019/07/Livre-Article-230-FR-WEB.pdf, consulté le 3 mars 2021.

[53] Charlotte BIENAIMEE, « Luttes féministes et LGBT en Tunisie » de la série Un podcast à soi d’ARTE radio, https://www.arteradio.com/son/61662296/luttes_feministes_et_lgbt_en_tunisie_20https://www.arteradio.com/son/61662296/luttes_feministes_et_lgbt_en_tunisie_20, consulté le 7 avril 2022.

[54] Choukri HMED, « Répression d’État et situation révolutionnaire en Tunisie (2010-2011) », Vingtième Siècle, Revue d’histoire, vol. 128, no. 4, 2015, pp. 77-90.

[55] Extrait d’une interview réalisée en mars 2021 et accordée dans le cadre d’un travail de recherche journalistique.

[56]  À l’image de la campagne Menich Msemah (« Non à la réconciliation » ou littéralement « je ne pardonnerai pas ») qui était une initiative citoyenne indépendante ayant rassemblé plusieurs jeunes militants et militantes des droits humains et des organisations de gauche et d’extrême gauche, le mouvement « Menich Msemah » demandait le retrait de la loi de réconciliation économique. Cette loi initiée par le président Béji Caïd Essebsi en 2017, accorde l’amnistie à plus de 2000 fonctionnaires et hommes d’affaires accusés de corruption sous l’ancien régime.

[57] Comme en témoigne le cas de la militante Rania Amdouni. Pour aller plus loin : Camille LAFRANCE, Tunisie – Rania Amdouni : « J’ai été condamnée pour des raisons 100 % politiques », Jeune Afrique, 28 août 2021, https://www.jeuneafrique.com/1206551/societe/tunisie-rania-amdouni-jai-ete-condamnee-pour-des-raisons-100-politiques/, consulté le 07 avril 2022     

[58]  Extrait d’une interview réalisée en mars 2021 et accordée dans le cadre d’un travail de recherche journalistique.