05/09/2023

Arts et massacres au Proche-Orient

Appréhender la violence de masse au Liban, en Syrie et en Palestine

Deux tables rondes, suivies de projections-débat, le 5 octobre 2023 à partir de 15h30 en présentiel dans les locaux du CAREP Paris et en visioconférence pour une partie du programme seulement.

Argumentaire

Pour de multiples raisons, les différents pays du Proche-Orient ont éludé les épisodes de crimes de masse et de violence extrême de leurs histoires nationales. Le déficit de travaux historiographiques est en partie dû à une instrumentalisation par les régimes politiques mais également à un manque de documentation, de conservation et d’accès aux archives. Venant combler ces manques, les artistes se saisissent de ces évènements traumatiques et nous livrent leurs regards créatifs pour nourrir des mémoires parcellaires et fragmentées.

Cette table ronde se penche sur les différentes productions culturelles et artistiques (roman, peinture, cinéma) qui, consciemment ou non, proposent leurs propres lectures de ces violences de masse loin des récits officiels. Il ne s’agit pas d’entrer ici dans les débats relatifs à la catégorisation juridiques de ces crimes ; nous incluons un spectre très large allant des guerres civiles aux processus génocidaires en cours depuis le XIXe siècle.

Emblématiques de ce lien entre arts et massacres, le Liban, la Syrie et la Palestine font également sens ensemble puisqu’ils connaissent de multiples formes d’interconnections. Outre le massacre de Sabra et de Chatila qui a un lieu au Liban et qui a un statut particulier du fait non seulement des traces qu’il a laissées mais aussi de sa surmédiatisation, il existe des effets d’échos entre ces trois contextes : temporalité commune des massacres de Hama et de Sabra et de Chatila (1982), circulations des rescapés, etc. De fait, les artistes de ces trois pays se saisissent souvent de massacres qui ont eu lieu hors de leurs frontières nationales pour se réapproprier les drames de leurs voisins arabes et susciter des analogies autour d’expériences communes.

Cette table-ronde cherche à rendre compte à la fois des artistes qui se saisissent des massacres a posteriori que de ceux qui en sont les témoins directs. Ces différentes temporalités par rapport à l’évènement ne sont donc pas sans implication sur le statut de l’artiste et sa pratique. Aussi, il s’agit d’étudier la place de l’œuvre en tant que pièce-maîtresse pour nourrir et interroger les mémoires.

Programme

Table ronde 1

15h30 – 17h00 | Dire l’indicible : massacres, mémoire et arts au Liban

Modératrice : Sadia Agsous-Bienstein, chercheuse, CESSP
Intervenants :

  • Dima de Clerck, enseignante-chercheuse, Université Saint-Joseph de Beyrouth, IFPO
    Dire les massacres au XIXe siècle en continuant de vivre ensemble au Liban
  • Sandra Barrère, chercheuse associée, Université Bordeaux-Montaigne
    Le massacre de Sabra et Chatila dans la littérature et l’art

Table ronde 2

17h15 – 18h45 | Contemporanéité des massacres en Syrie : l’artiste face la violence de masse

Modératrice : Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue, EHESS
Intervenants :

  • Nibras Chehayed, chercheur, IFPO
    Éthique et esthétique de la mélancolie : pour une certaine lecture de l’art syrien (intervention uniquement en présentiel, non enregistrée)
  • Mohamad Omran, artiste
    L’évolution d’un parcours artistique centré sur le corps

Projections-débat

19h15 | Projection du court métrage Juste une odeur, réalisé par Maher Abi Samra (2006, 10 min).
19h30 | Projection du film Kafr Kassem, réalisé par Borhane Alaouié (1974, 1h40).

Projections suivies d’un débat avec :

  • Daoud Alaouié, réalisateur
  • Maher Abi Samra, scénariste et réalisateur

Biographies des intervenants 

Maher ABI SAMRA  

Maher Abi Samra a étudié le théâtre à L’Université libanaise, et obtenu son diplôme d’études audiovisuelles à l’Institut national de l’image et du son à Paris. Il a travaillé comme photographe pour la presse libanaise et internationale, notamment l’Agence France Presse et Reuters. Il a écrit et réalisé plusieurs documentaires.

Sadia AGSOUS-BIENSTEIN

Diplômée de l’INALCO et membre de l’IREMAM, Sadia Agsous-Bienstein est chercheuse en langues, littératures et cultures arabes et hébraïques et enseigne au département d’études arabes de l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Ses recherches s’enracinent dans les études culturelles, en traductologie et dans la pensée arabe moderne pour investir les relations juives-arabes en Palestine, les archives culturelles palestiniennes « pré-1948 ». Intéressée par l’histoire intellectuelle de l’espace arabe et plus particulièrement dans le cadre des relations juives-arabes, elle mène actuellement un projet de recherche sur l’approche des intellectuels et écrivains de l’espace arabe face à l’antisémitisme européen et à la Shoah. Son ouvrage Derrière l’hébreu, l’arabe : Le roman palestinien en hébreu (1966-2017), (Classiques Garnier, 2022).

Daoud ALAOUIÉ

Réalisateur et directeur de l’Institut Européen de la culture arabe.

Sandra BARRÈRE 

Docteure en littérature comparée, Sandra Barrère est chercheuse associée à l’équipe Plurielles, Université Bordeaux Montaigne, et référente à l’égalité filles-garçons au sein de l’académie de Bordeaux. Ses recherches s’intéressent aux liens entre littérature, histoire et politique. Située au croisement des études postcoloniales et des études de genre, sa thèse, Écrire une histoire tue. Le massacre de Sabra et Chatila dans la littérature et l’art (Classiques Garnier, 2022) la conduit à définir le concept de poétiques de Chatila. Elle a coordonné avec J.P. Engélibert Politicité de la littérature et des arts contemporains (Essais, 2019) et participé à plusieurs ouvrages collectifs (The Cultural Memory of the Lebanese Civil War – Revisited, dir. Dakhli & Wieland, à paraître, 2023 ; Débordements, Littérature, arts et politique, dir. Engélibert, Lampropoulos, Poulin, 2021 ; Littérature, arts et monde contemporain. Récit, histoire, mémoire, dir. Tamraz, 2015). Elle pose également des jalons en vue de réunir les œuvres collectées dans le cadre de sa thèse, pour en faire une exposition.

Nibras CHEHAYED

Nibras Chehayed, spécialiste de philosophie contemporaine, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, s’intéresse aux croisements de la philosophie, de l’art et de la littérature. Ses travaux portent sur le corps, la destructivité, les écritures carcérales et les créations artistiques en contexte de violence. Il a publié des études telles que Le corps aux fils de l’écriture. Nietzsche après Derrida, et a dirigé/codirigé des collectifs comme Images de chair et de sang. Penser le corps en Syrie et Mots de chair et de sang. Écrire le corps en Syrie. Il coordonne actuellement la traduction arabe d’une partie du Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles.

Dima de CLERCK 

Docteure en histoire contemporaine de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Dima de Clerck est chercheure associée à l’IFPO, chargée de cours à l’Université Saint-Joseph à Beyrouth et Professeur invité à la Sorbonne pour 2024. Sa thèse a porté sur Les relations druzo-chrétiennes à l’épreuve des guerres et des réconciliations, des représentations et des mémoires. Auteure de nombreux articles et chapitres de livres, elle est également auteure de : Le Liban en guerre (1975-1990) [Grand prix des journées de l’histoire de l’Institut du Monde arabe] et coéditrice de 2 livres : Liban : la guerre de 1975-1990 dans le rétroviseur et de 1860, histoires et mémoires d’un conflit.

Véronique NAHOUM-GRAPPE 

Élève de Françoise Héritier, chercheuse au LAP, Laboratoire d’Anthropologie Politique, EHESS, elle a travaillé, entre autres sujets, sur les violences extrêmes en temps de guerre. Depuis son travail sur la purification ethnique en ex-Yougoslavie (éd. Esprit, 1993) : cf. Du rêve de vengeance à la haine politique (Desclée de Brouwer, 1999), et ses articles dans plusieurs revues dont Esprit et Communications , elle a fondé (à la chute d’Alep) avec Catherine Coquio le Comité Syrie Europe, puis lors de l’empoisonnement de Navalny le Comité Russie Europe, au sein de la revue Esprit (dans la lignée des comités Vukovar Sarajevo et du comité Kossovo). Elle a également  participé au livre Syrie, le pays Brûlé (éd. Seuil, 2022) et travaille sur les violences sexuelles en temps de guerre .

Mohamed OMRAN 

Diplômé de la faculté des beaux-arts de Damas, Mohamad Omran commence une carrière de sculpteur immédiatement acclamée sur la scène artistique locale. En 2007, il quitte la Syrie pour entreprendre un master en histoire de l’art à l’Université Lyon II. Le début 2011 marque un tournant dans son travail artistique. Ses œuvres sur papiers et ses sculptures sont vite remarquées et Mohamad Omran multiplie les expositions individuelles ou collectives. Ses œuvres font partie de nombreuses collections privées et publiques notamment le British Museum, Institut du Monde arabe à Paris et la Fondation Atassi.

Les tables rondes et projections auront lieu au CAREP Paris  : 12 rue Raymond Aron, 75013, Paris.

M° Quai de la Gare (L6),
M° Bibliothèque François Mitterrand (L14).