Explorer l’histoire du Liban à travers celle des syndicats permet de renouveler le regard porté sur l’impasse que constitue la construction de l’État-nation. Les différents régimes qui se sont succédé, malgré leurs divergences, ont en commun d’avoir adopté des logiques capitalistes, réprimant tour à tour les travailleurs par la force. Le chercheur et activiste syndical, Ibrahim Ammar, porteur de la mémoire occultée du monde ouvrier, nous aide à déconstruire les mythes fondateurs d’une nation en recomposition permanente. Avec lui, nous remontons au XIXe siècle, moment où émergent les premiers mouvements de contestations paysanne et ouvrière face à l’avènement du capitaliste et à son exploitation.
Ce retour sur deux siècles d’histoire syndicale éclaire l’articulation des rôles entre puissances étrangères et forces locales, de l’époque ottomane au mandat français, de l’indépendance à la période post-1990 lorsque le Liban, tombe sous tutelle syrienne. Depuis l’Empire ottoman, la course à la modernité s’est faite au détriment des travailleurs. À rebours du récit dominant qui imprègne l’imaginaire collectif libanais, le témoignage d’Ibrahim Ammar montre comment la France mandataire, soucieuse de préserver ses intérêts économiques, a activement bloqué l’adoption d’un Code du travail et n’a jamais reconnu les syndicats.
L’indépendance du Liban n’est donc pas le fruit d’un acte héroïque isolé, mais devrait être comprise comme le résultat d’une longue et pénible lutte sociale et économique, que l’histoire officielle a éclipsée au profit du folklore national centré sur quelques notables brièvement emprisonnés par la puissance mandataire. La relève, assurée par l’élite locale du Liban indépendant, ne se montre guère plus vertueuse en matière de droits. L’exercice du pouvoir durant la guerre civile et la tutelle syrienne s’inscrit dans la continuité d’une politique de répression des revendications sociales, exploitant de la production ouvrière selon un modèle hérité du colonialisme.
Cette démarche sur le temps long met en lumière l’imbrication profonde entre le politique et le social, et permet de réinterpréter les causes de l’échec de l’émergence d’un véritable État-nation et d’un État de droit.
SOUS L’EMPIRE OTTOMAN, AUX PREMICES DES COMPOSITIONS SYNDICALES, LES AMIYYAT

Ibrahim AMMAR
Chercheur et militant syndical, Ibrahim Ammar est né en 1937 à Achrafieh, un quartier de Beyrouth. Il a été membre du Comité central du Parti communiste libanais de 1960 à 2005. Dès 1959, il s’engage dans les mouvements syndicaux, participant activement à l’organisation de grèves, de manifestations et d’actions de désobéissance civile.
De 1959 à 1971, il occupe le poste de secrétaire général du Syndicat des travailleurs des compagnies aériennes au Liban. En 1970, il cofonde au Caire le Syndicat des travailleurs des compagnies aériennes du monde arabe, une organisation dédiée à la défense des droits des travailleurs et au soutien de la cause palestinienne. Ce syndicat appelle notamment au boycott des compagnies aériennes occidentales opérant dans les territoires occupés par Israël.
Ibrahim Ammar a également été membre du Comité général de la Fédération syndicale mondiale (FSM) à Prague, dont il a dirigé la section Moyen-Orient et Afrique du Nord de 1977 à 1981. À cette époque, la FSM comptait quelque 480 millions de membres. Par ailleurs, il a été pendant plusieurs années rédacteur en chef de la revue Hayat al-‘Oummal (« La vie des travailleurs »), où il a publié des centaines d’articles sur les questions syndicales. En 2002, il publie un essai intitulé Khabayā al-Dhākira (« Les méandres de la mémoire »).
Ibrahim Ammar, à quel moment peut-on parler pour la première fois d’insurrections ouvrières au Liban ?
Au départ, ce sont les mouvements paysans qui émergent dès la première moitié du XIXe siècle. Il faut rappeler que la structure sociale du Mont Liban est alors dominée par une féodalité de montagne. Quatre soulèvements paysans, appelés amiyyat (communes) voient le jour, à l’image de la Commune de Paris et celles d’autres villes françaises.
En 1820, à Antélias, par exemple, les paysans se réunissent dans une église, représentant toutes les régions du Mont Liban : Druzes, Chiites, Sunnites et Chrétiens. Avant de prendre des décisions, ils jurent solennellement, dans ce lieu sacré, qu’ils partagent des intérêts communs contre l’oppression, que leur dignité est piétinée, que leur vie sociale brisée et leur travail spolié. Ils veulent faire une révolution.
En 1821, ils se réunissent une deuxième fois à Hrajel, dans le Keserwan, mais les féodaux, appuyés par l’armée ottomane et par le clergé maronite, les répriment brutalement. La troisième ammaya, en 1840, se déroule à nouveau à Antelias. Comme les précédentes, elle est violemment écrasée, avec l’aide des forces ottomanes, des seigneurs locaux – au premier rang desquels l’émir Chehabi, Bachit II – et du clergé. Les paysans insuffisamment armés et ne peuvent résister à cette coalition du pouvoir.
À la suite de ces trois mouvements de contestations (amiyat), les paysans ont-ils pu, malgré la répression, obtenir des améliorations de leurs conditions de vie ?
Après 1840, les paysans ont obtenu, de manière informelle, quelques concessions, telles qu’une réduction des taxes et une part légèrement accrue des récoltes. Mais ces avancées demeuraient dérisoires qui reste mesquine au regard du dur labeur de l’année : les seigneurs conservaient 70 % des récoltes. Toutefois ce semblant de clémence était de courte durée. Les féodaux ne tardèrent pas à renouer avec leur autoritarisme, n’hésitant pas à humilier les paysans. Au quotidien Leur mépris allait jusqu’à s’incruster dans les maisons des paysans, se considérant propriétaires de tout, y compris des femmes, sœurs et filles des paysans, dont certains abusaient parfois.
L’insurrection de Tanios Chahine a-t-elle mené à des changements ?
La quatrième amiyya, celle de 1858, est la plus importante, car elle est marquée par la révolution éponyme menée par Tanios Chahine, un maréchal-ferrant. Cette fois-ci, la amiyya s’est transformée en une véritable intifada armée. Les paysans ont réussi à prendre le contrôle de plusieurs qasa[1] : Metn, Keserwan, Jbeil, Batroun, Koura, jusqu’à Akkar. Par la suite, ils ont étendu leur combat dans le sud du Metn, dans les qasa de Aley, du Chouf… Le soulèvement a duré plus d’un an.
Cette fois, les paysans ont réussi sans aucune aide, parce qu’ils avaient réparti leurs forces dans toutes ces régions, attaquant simultanément les seigneurs. Ces renversements de pouvoir ont inquiété le pouvoir Ottoman. À la suite de manipulations politiques, une guerre civile éclate en 1860 entre Druzes et Chrétiens, un conflit largement attisé par les autorités ottomanes et les ingérences étrangères.
D’abord extérieur aux membres des amiyyat , le confessionnalisme a fini par s’imposer, triomphant sur toute autre forme de solidarité, comme ce fut le cas plus tard, entre 1975-1990, pendant la guerre civile libanaise.
À la suite de ces troubles, cinq grandes puissances (France, Grande-Bretagne, Russie, Italie…) interviennent et imposent aux Ottomans un statut d’autonomie pour le Mont Liban : la Mutasarrifiyya. Pour la première fois, une armée française se déploie dans le Mont-Liban jusqu’à Deir el Qamar. Les puissances accordent aux Chrétiens, très affaiblis par la guerre de la Montagne, une semi-autonomie, leur octroyant un gouverneur chrétien choisi par les Ottomans, mais approuvé par les grandes puissances.
Quand a-t-on évoqué pour la première une organisation qui s’apparentait à des syndicats ?
En 1908, de timides évolutions apparaissent à la suite de la révolution des Jeunes-Turcs[2]. Il existait selon la loi turque des comités mixtes (lijan). Ces comités mixtes étaient composés d’employeurs, de représentants des employeurs, et du Rayyis, le chef des ouvriers.
Avec l’implantation des comités, l’objectif caché des autorités ottomanes était d’améliorer leur image auprès de l’Europe. Ils commençaient à obtenir de bonnes performances des ouvriers, sous la pression des puissances européennes, notamment de la France, à elle ils devaient deux tiers de leur dette.
En 1908, le coup d’État des jeunes officiers turcs contre le sultan impose des réformes. Ceux qui ont mené la révolution appartenaient à deux factions de l’armée, dirigées par deux partis : le « Parti des Jeunes Turcs » (Turkiya el fatat) et l’autre, le « Parti de la Progrès et de la Réforme » (takadoum wal taraki). Cependant, le sultan Abdulhamid, qui avait dans un premier temps accepté les réformes demandées par les Jeunes-Turcs, reprend le pouvoir dans un bras de fer, et n’applique pas les accords. En 1909, les Jeunes officiers, revenus de Grèce, reprennent Istanbul. Cette fois-ci, l’armée parvient à renverser le sultan et installe sur le trône son frère, Mehmed V, un souverain faible.
La même année, les Jeunes-Turcs rectifient la loi sur les comités mixtes, mais de manière très limitée. Ces comités étaient avant tout destinés à surveiller les ouvriers, à contrôler leurs opinions politiques et leurs mouvements, tout en prétendant leur accorder certains droits. L’idée était d’améliorer la productivité, mais aussi à faire travailler davantage les ouvriers.
Les Jeunes-Turcs, qui reprochaient à Abdulhamid d’avoir cédé aux exigences européennes, étaient soucieux de montrer qu’ils étaient modernes comme les Européens. Peut-être que cela a un peu joué dans la mise en scène des droits des travailleurs.
Certes, cela a joué, mais derrière cette façade, leur objectif était de contrôler les ouvriers et de poursuivre leur exploitation en empêchant un véritable syndicalisme. Par exemple, en 1907, lors du premier grand rassemblement du 1er mai, les autorités ottomanes ont compris, après coup, qu’une véritable activité syndicale était en marche. Alors, le pouvoir a réagi plus rapidement que les ouvriers, instrumentalisant les comités, les utilisant à la fois comme outils de contrôle et comme trine à destination de l’étranger, tout en empêchant la création de vrais syndicats.
Dans ce climat de haute surveillance, où se déroulaient les réunions syndicales ?
Elles étaient clandestines, comme celles du 1er mai, qui méritent d’être rapportée. En 1907, a eu lieu pour la première fois une réunion à Ouzaï, au sud de Beyrouth, alors un petit port de pêche. La réunion a été orchestrée par Khairallah Khairallah venu de France, avec un groupe d’intellectuels libanais, principalement formés en France, qui avaient ramené ce savoir-faire syndical.
Pas d’ouvriers ?
La plupart étaient des intellectuels. Mais parmi eux, on comptait quelques pêcheurs.
Quelles ont été les revendications ?
Ils ont réclamé : 8 heures de travail au lieu de 10 ou 12, l’interdiction du travail des enfants en dessous de l’âge légal, la limitation du travail des femmes à 8 heures, le droit à un congé maternité payé et un congé annuel payé. Leurs revendications suivaient cette répartition : 8 heures de travail, 8 heures de repos, 8 heures de loisir.
Pourquoi le choix de Ouzaï ?
Parce que c’était loin de Beyrouth, près de la mer, un lieu discret et improbable à l’époque pour préparer une telle initiative.
Mais cette fois, ont-ils obtenu gain de cause ?
Les revendications de 1907 ont été adoptées par les comités, qui ont ajouté d’autres revendications à caractère social général, lors d’une rencontre à Dbayé, cette fois en 1908, avec la participation de pêcheurs et d’agriculteurs. Ils ont ajouté les réclamations suivantes : amélioration des indemnités de subsistance, résolution des problèmes de logement, amélioration des conditions de santé.
Et ont-ils obtenu quelque chose ?
Ce n’est pas documenté. Figurez-vous que les agriculteurs n’ont obtenu la reconnaissance institutionnelle de leur syndicat qu’il y a une dizaine d’années.

LA FRANCE MANDATAIRE ET LE NON-DROIT DES TRAVAILLEURS
Après l’effondrement de l’Empire ottoman, quelle a été la condition des paysans et travailleurs durant le mandat français ?
Sous le pouvoir des Ottomans, on avait compris qu’il était difficile d’obtenir des droits. Avec la France, malheureusement, les choses ne se sont pas améliorées, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, étant donné qu’en France, les travailleurs avaient nettement amélioré leurs conditions à l’issue d’un siècle de luttes. C’est en ce sens que la puissance mandataire s’est révélée très décevante en matière de législation ouvrière dans les territoires colonisés. La France occupe d’abord le Liban dès 1918, avant que la Société des Nations ne l’institue officiellement en 1920.
Dès l’arrivée des autorités françaises, un syndicat général du travail a été formé au Liban : « l’Union des syndicats des travailleurs et employés du Liban », présidé par Moustafa Al-Aris. Depuis la fondation de ce dernier, toute organisation de travailleurs se désigne comme syndicat. Les autorités françaises refusent de reconnaître ces syndicats et continuent d’opérer sous le cadre juridique hérité de la période ottomane, en s’appuyant sur une législation obsolète, alors que cette même France était, depuis plus de deux siècles, à l’avant-garde en matière de reconnaissance des syndicats sur son propre sol.
Pourquoi ?
Parce qu’un syndicat dispose de prérogatives légales pour revendiquer. Les comités, eux, n’avaient pas ce droit. Les autorités ne voulaient pas permettre aux syndicats d’exister, car en reconnaissant leur existence, elles auraient été obligées de prendre en considération leurs revendications.
Sous le mandat français au Liban, les conditions de travail étaient très précaires : les hommes travaillaient 12 heures par jour, les femmes 10 heures, et les enfants 8 heures. Les ouvriers travaillaient même de nuit. Les salaires étaient très bas. Les travailleurs ont organisé des grèves et des manifestations, réprimées par des arrestations menées par les autorités françaises dès 1921. Ces mouvements ont été déclenchés par l’inflation, les autorités françaises ayant refusé d’ajuster les salaires.
Avec le mandat, le Liban abandonne la devise égyptienne au profit du franc français, qui s’était effondré à cause de la guerre. C’est comparable à ce que nous avons connu, à plusieurs reprises, au Liban ces dernières décennies. Cela explique la connotation négative du mot frenk (« franc ») dans le dialecte libanais, qui renvoie au « franc pourri », sans valeur.
Comment réagissait la population envers les mouvements des travailleurs ?
Elle était très solidaire. Un groupe de femmes dont ma mère, Foutin Kobbany, s’est mobilisé pour venir en aide aux grévistes et aux prisonniers. En 1920, les cochers, réclamant une hausse des tarifs qui n’avaient pas été révisés comme prévu, sont entrés en grève durant deux mois. Ils ont tenu bon, sans salaire, grâce à la solidarité de ce groupe de femmes issues de la population : des voisines, des amies, des parentes, et souvent des plus vulnérables d’entre elles. Elles ont assuré les repas et les besoins des conducteurs de carrosses et de leurs familles. Elles ont fait de même pour les prisonniers communistes, accusés d’incitation à la rébellion et à la désobéissance. Leurs voisins et amis leur apportaient de la nourriture en prison.
À partir de 1923, de nouveaux mouvements plus larges apparaissent, cette fois à Nahr el Kalb coïncidant avec le centenaire du 1er Mai, dont la première célébration officielle a lieu en 1924.
Les autorités françaises interdisant la fête du 1er Mai, les travailleurs se réunissent clandestinement dans la forêt, sur les rives de Nahr el-Kalb. Et cette fois, des participants viennent de régions éloignées. Le comble, c’est qu’il y avait même une délégation ouvrière française : des marins français en mission au Liban se joignent au rassemblement secret, affichant leur solidarité avec les travailleurs libanais.
La fête prend des allures de festival. Ces liens avec les syndicats communistes français se renforcent, et en 1925, une commission d’organisation syndicale établit des liens avec l’Internationale syndicale rouge et avec la CGT en France, donc avec les groupements syndicaux d’ouvriers et de travailleurs à l’étranger.
La CGT va jouer deux rôles au Liban : d’une part par l’intermédiaire des ingénieurs français travaillant au Liban, qui encouragent les travailleurs libanais à se former à l’action syndicale ; et d’autres, en se rapprochant des étudiants libanais afin de les sensibiliser au travail syndical.
Ce que j’ai du mal à comprendre, c’est la politique de deux poids deux mesures des autorités françaises de l’époque. Ils bloquaient toute tentative de formation syndicale au Liban, alors que dans leur propre pays, les syndicats étaient reconnus.
En 1890, une conférence syndicale mondiale s’est tenue à Paris. C’est en ce sens que j’en veux au pouvoir français pour son comportement colonial au Liban. Cette conférence s’est tenue à l’occasion du Premier Mai, afin de discuter des mouvements syndicaux au niveau mondial. Lors de cette conférence, pour la première fois, le Premier Mai a été proclamé comme la Journée internationale des travailleurs, en mémoire des évènements de 1870 à Chicago, où une manifestation importante d’ouvriers a eu lieu dans les usines, malgré son interdiction par l’État. Des affrontements avec la police ont tourné au bain de sang des deux côtés. L’épisode s’est terminé par l’arrestation, puis l’exécution des leaders syndicaux.
CRÉATION DU PARTI COMMUNISTE AU LIBAN
Dans la foulée de la fête clandestine à grand succès du centenaire du 1er Mai en 1924, est né le Parti communiste libanais ?
Le Parti communiste libanais a effectivement été fondé quelques mois plus tard, en octobre 1924. Le détail de sa création est peu habituel. Ceux qui l’ont fondé étaient des ouvriers, à l’exception d’un intellectuel, un fonctionnaire nommé Youssef Ibrahim Yazbek, qui travaillait comme inspecteur au port. Il avait des penchants libéraux et s’intéressait à la Révolution française. La révolution bolcheviste en 1917 l’a poussé à s’intéresser au socialisme.
Les membres du parti se sont réunis plusieurs fois, notamment avec Fouad Chémaly, pionnier du mouvement syndical au Liban. Fouad Chémaly travaillait dans le tabac. Il était en Égypte, où il a rejoint le syndicat égyptien et est devenu l’un de ses dirigeants. Il a ensuite adhéré par la suite au Parti communiste égyptien et est devenu membre du comité central.
Chassé, emprisonné à plusieurs reprises, exilé sur une île déserte en raison de son engagement communiste et syndicaliste, les autorités égyptiennes ont fini par l’expulser vers le Liban, à la fin de l’année 1923. Deux ans après son retour, il a également été emprisonné au Liban pour son engagement politique.
Lors de son retour au pays, à bord du bateau, il rencontre Youssef Ibrahim Yazbeck alors contrôleur. De cette rencontre naît le Parti communiste libanais. Fouad Chémaly fondera ensuite le Syndicat général des ouvriers du tabac, considéré le premier[3] syndicat à l’échelle nationale. Il existait déjà un parti qui prétendait vouloir lutter pour les droits des travailleurs, mais il était en réalité une vraie honte.
Pourquoi c’était une honte ce parti ?
Ce parti, fondé en 1920, avait été conçu et financé par la puissance mandataire. Nommé le « Parti général des travailleurs dans le Grand Liban » (Hezb el ‘umal el am fi lubnan el kabir), il était présidé par un homme riche – un cheikh -du nom d’Anis Beik el Hani, proche du pouvoir français. Homme d’affaires avant tout, ses intérêts passaient avant ceux du collectif ; il savait exploiter chaque opportunité à son avantage.
Le comité central de ce prétendu syndicat était composé de représentants de grandes familles de la haute bourgeoisie beyrouthine, voire de l’aristocratie : Sursock, Trad, Bayhum, Tabet, Baz, Hmadi, et Assad. L’aristocrate Charles Beik Sursouk était le vice-président du parti des « travailleurs ». Une vraie mascarade ce parti des travailleurs dont l’objectif était le contrôle de ces derniers.
Qu’est-ce qui a poussé la France mandataire à créer ce parti ?
Les autorités françaises savaient que la gauche était influente – pas très bien organisée, mais dotée d’une orientation forte à l’époque- parmi les ouvriers et de leurs représentants. Elles ont donc fondé ce parti vers 1920-1921 pour attirer et séduire les syndicats.
Le parti cherchait à les rallier en promettant de grandes choses… qui se révélèrent fausses. Un groupe de syndicats s’est laissé manipuler et a intégré le parti, influencé par le journaliste Elias Bakhach, un homme qui assurait la liaison entre les syndicats et les autorités, motivé par ses propres intérêts politiques. Il jouait ce double jeu pour dans l’espoir d’accéder à des postes politiques : il convoitait d’abord un siège de député, puis visait le poste de Premier ministre. À l’époque, les répartitions confessionnelles dans les postes politiques n’existaient pas encore. Bakhach et ses « travailleurs » sont restés au service du parti des exploiteurs pendant quatre ou cinq ans. Durant ces années de pratique, ils se sont progressivement rendu compte du bluff.
Les aristocrates ne parlaient même pas aux ouvriers, et refusaient d’assister aux réunions. Quant à Bakhach, il a perdu du terrain et de l’influence. Toujours en quête d’électeurs, il s’est tourné vers les mouvements de gauche, qui venaient enfin de fonder leur parti. Il a tenté de négocier avec eux, en évoquant son influence auprès des autorités et des entreprises, mais cette fois, les pourparlers n’ont pas abouti : les travailleurs l’avaient démasqué, grâce à leur expérience auprès du parti des aristocrates.
La puissance mandataire profitait aussi des travailleurs libanais. Pouvez-vous nous expliquer comment ?
Les autorités françaises ont transformé le Liban tout entier en une usine, profitant économiquement des ouvriers et les exploitant. Le mandat français s’est accompagné de profondes transformations historiques, dont le passage au système capitaliste. C’est également à cette époque que le travail rémunéré commence à se généraliser.
Sous l’Empire ottoman existaient déjà quelques signes de capitalisme : les Ottomans avaient construit des infrastructures, des chemins de fer, des ports, etc. Or, ce type de travaux ne pouvait se faire que dans un cadre capitaliste.
Les Français ne sont pas venus au Liban par amour du pays. Ils savaient que le Liban entretenait de bonnes relations avec les pays du Golf, qu’il en connaissait les habitudes et codes. Les Français se sont appuyés sur leurs réseaux libanais qu’ils connaissaient depuis la métropole, afin d’établir un pont commercial entre la France et le Golfe via le Liban. A cette époque, on commençait à découvrir l’existence de gisements de pétrole.
Contre qui les syndicats se mobilisaient-ils pour mener leurs grèves et manifestations ? Et quelles étaient leurs revendications ?
Les mouvements de contestation ne cessent pas tant que les ouvriers sont privés de droits. Mais les années 1926-1930 enregistrent une vague importante de grèves. Les mobilisations s’orientent de plus en plus contre les sociétés étrangères, notamment les concessionnaires du port, du transport (tramway, chemins de fer), de l’électricité, et du tabac. Des acteurs comme les cordonniers, les chauffeurs, les boulangers, les topographes et les techniciens des imprimeries sont également touchés.
Un débat récurrent portait sur la concurrence des produits importés, moins chers et de moins bonne qualité que ceux produits localement, que les compagnies françaises faisaient transiter par le Liban.
Quant aux revendications, elles sont les mêmes : limitation des heures de travail, augmentation des salaires, indemnisation des accidents du travail, très nombreux dans les usines.
Comment la France mandataire a-t-elle profité des travailleurs libanais pendant la Deuxième Guerre mondiale ?
La puissance mandataire a mis en place au Liban une industrie qui répondait à ses besoins de guerre. À titre d’exemple : le textile. Aujourd’hui, ce secteur est presque éteint, mais à l’époque, les autorités avaient créé deux ou trois usines pour fournir l’armée. Une cimenterie, du fer, de l’aluminium… Ils ont développé une vraie industrie, mais uniquement dans les secteurs où ils pouvaient obtenir de grands profits. Ils ont ainsi abandonné la soie, pourtant historiquement importante, car elle était en crise. La plus grande crise de l’époque, c’était l’effondrement de la production de soie, en raison de la concurrence japonaise et chinoise.
LA TRAJECTOIRE DES SYNDICATS APRÈS L’INDÉPENDANCE
Avec l’indépendance, les autorités libanaises ont-elles accordé des droits syndicaux ?
Entre 1918 et 1943, et malgré la position illégale du mandat, le mouvement syndical a pu se développer de manière visible et rapide. Le niveau de conscience a augmenté. Beaucoup de débats se faisaient dans les usines, poussant les travailleurs à réfléchir et s’organiser. Le syndicat des travailleurs, soutenu par la gauche libanaise – en particulier par le parti communiste – a réussi à élargir son influence et à mener de longues luttes. En 1943, les revendications des syndicats portaient, sur les sujets qui rassemblent les Libanais de tous bords autour de demandes nationales générales : l’indépendance, la souveraineté, la démocratie et les libertés publiques. Les revendications spécifiques au monde du travail avaient pour priorité l’adoption d’un Code du travail, avec des lois encadrant les droits et les devoirs des deux parties : les travailleurs et les syndicats d’un côté, l’État et les employeurs de l’autre. Le code des usines a été révisé en septembre 1946, à la suite du décès de l’ouvrière Wardé Boutros lors d’une manifestation contre la Régie du tabac, un événement qui avait suscité une vive émotion dans l’opinion publique.
On pense souvent, à tort, que le droit du travail libanais vient des Français. Ont-ils gardé un lien avec les autorités libanaises après l’indépendance ?
La France a effectivement maintenu des liens avec le pouvoir en place après l’indépendance. Elle a envoyé des délégations pour discuter avec le gouvernement. Pendant des mois, ces délégations ont conseillé les autorités afin de mettre en place un Code du travail que l’État serait en mesure d’exploiter, tout en accordant quelques droits revendiqués par les syndicats. Lors de ces pourparlers, les Britanniques étaient également présents au Liban et exerçaient une influence.
Quel était l’intérêt de la France dans cet engagement auprès des autorités libanaises ?
Les discussions tournaient autour de la législation du travail et de la manière dont l’État allait gérer les revendications syndicales. Le souci du gouvernement libanais – et de sa protectrice, la France – était également de reprendre le contrôle des syndicats aux mains des communistes. Après l’approbation de la loi en 1946, le gouvernement a dissous tous les syndicats existants (ils étaient alors au nombre de 22), et a incité à créer un nouveau mouvement syndical, sous la nouvelle législation du travail.
Des élections ont été organisées. Mais une fois les élections terminées, le gouvernement a lancé une vague d’arrestations, en1947, en parallèle à la fermeture de plusieurs bureaux syndicaux. Parmi les prisonniers figuraient Mustapha Arris, ainsi que des activistes dont mon frère Khalil Ammar, secrétaire général du syndicat du bâtiment.
De surcroît, le gouvernement a eu recours à des fraudes électorales, inventant des métiers à des oisifs pour leur permettre de créer des syndicats factices. La répression s’est aussi étendue aux médias syndicaux, en interdisant la publication des journaux Al-Yaqza et Al-Tariq.
Malgré la répression et les élections truquées, les autorités n’ont pas réussi à prendre le contrôle de tous les syndicats. La gauche a maintenu 5 syndicats sur les 20 existants à ce moment-là, et a fini par en gagner un 6e par la suite.
À la fin des années 1950, vous commencez activement votre engagement syndical, que vous n’avez jamais abandonné jusqu’à aujourd’hui. Vous arrivez donc dans une période de forte répression. Que pouvez-vous nous dire de cette période ?
Il est vrai que, durant les années allant de 1946 à 1959, les syndicats subissaient l’injustice de l’État. Face à cette répression, nous avons commencé – avec l’aide de socialistes et de communistes expérimentés –, à retourner contre l’État les mêmes stratégies qu’il utilisait contre nous. À titre d’exemple, l’État était derrière la création du syndicat des mécaniciens. Nous avons travaillé pour obtenir l’adhésion de 1000 membres dans ce syndicat. De mon côté, en 1960, lorsque j’ai intégré le syndicat aérien, nous avons pu rassembler plus de 100 membres, qui partageaient nos valeurs, même s’ils n’étaient pas tous de gauche. Nous avons organisé des élections, en ayant recours à une ruse. Avec mes camarades, nous avons choisi des candidats et nous les avons envoyés demander une autorisation au ministère du Travail, en prétendant que, moi-même, ainsi que mes camarades communistes, nous ne comptions pas nous présenter aux élections. Les camarades ont poussé le jeu jusqu’à dire au chef du syndicat qu’il ne me supportait même pas. Une fois l’autorisation obtenue du ministère, nous avons annoncé la candidature mon ami Clément Manna – également membre du Parti communiste –ainsi que la mienne, et celle de nos camarades de la liste.
Notre mise en scène a fonctionné : nous avons pu écarter tous les membres du comité syndical en place, y compris le président que nous avions roulé. Nous n’avions que la ruse pour contrer la répression de l’État. Si nous n’avions pas agi ainsi, le ministère n’aurait jamais validé les élections.
L’EXCLUSION COMME CONDITION DE SURVIE
Une fois le syndicat entre vos mains, avez-vous pu obtenir vos droits ?
Malheureusement non. J’ai été viré quatre fois de mon travail. Une fois, j’ai même dû distribuer des journaux pour pouvoir subvenir aux besoins de ma famille – j’avais déjà des enfants. Les compagnies aériennes refusaient de m’embaucher, pour éviter de me retrouver à nouveau dans les syndicats, alors dominés par des membres proches du gouvernement et de la droite. C’était la condition posée pour que je puisse retravailler : abandonner mon engagement syndical. J’ai donc dû y renoncer en 1971.
Sous Fouad Chehab, on évoque des exceptions. Quelle était exactement sa position par rapport aux syndicats ?
Il faut rendre justice à Fouad Chehab, en effet. Il a refusé que les fédérations, que l’État avait combattues auparavant, et qui étaient écartées par le pouvoir, restent exclues de toute reconnaissance officielle.
Kamal Joumblatt, alors ministre de l’Intérieur – après avoir été ministre de l’Économie – n’a pas réussi à obtenir, ni pour les socialistes, ni pour nous, les communistes, une licence pour créer un syndicat. Il a donc formé un front appelé le Front de Libération ouvrière, qui a rassemblé des socialistes, des communistes, des syndicalistes indépendants, des groupes de gauche et des démocrates, pour s’opposer à Gabriel Khoury, président de la Fédération générale, acquis aux intérêts de l’État. Ce front avait une orientation politique, pas uniquement syndicale, mais il a mené de nombreuses luttes syndicales, comme celle des travailleurs des raffineries pétrolières.
Quelle était la stratégie de Fouad Chehab ?
Quand Chehab est arrivé au pouvoir, il a accordé des licences à tous les syndicats qui avaient subi la répression. Sa stratégie reposait sur le fait que le gouvernement détenait le plus grand nombre de syndicats, et contrôlait ainsi les décisions syndicales. Néanmoins, pendant ce temps, nos assemblées générales ont gagné en puissance et ont acquis la capacité de s’opposer et de rejeter les décisions qui ne nous convenaient pas. Nous avons su résister, portés par un capital moral et des principes solides.
Le travailleur, dont vous protégez les droits et les intérêts, finit toujours par se joindre à vous. C’est ainsi qu’en 1970, la majorité des syndicats s’est retournée contre la Fédération générale des travailleurs.
Alors qu’a fait le gouvernement à votre avis ? Il a soutenu la Fédération générale et son chef Gabriel Khoury, qui occupait par ailleurs le poste de président de la Fédération des banques. C’était un homme intelligent et influent, qui entretenait de très bonnes relations avec les Britanniques. Le pouvoir l’a encouragé à fonder l’Union des fédérations des travailleurs (Itihad ‘omal ‘am), car il permettait de nous tenir à l’écart, et ainsi d’éviter les mouvements de contestations.
Le pouvoir ne pouvait plus nous contenir, nous, les mouvements de gauche. Alors, il a créé, en 1970, avec les syndicats de l’Union des Fédérations des Travailleurs, une structure appelée « Unification des fédérations ». En parallèle, à cette époque, la majorité au sein même de la Fédération s’est opposée aux conspirations des autorités. Je me souviens de la manifestation organisée en 1968 par les syndicats, sans permettre aux partis de s’infiltrer. Ce jour-là, plus de 80 000 personnes ont participé.
C’était la plus grande manifestation organisée par les syndicats ?
Non. La plus grande manifestation syndicale de l’histoire du Liban a eu lieu pendant la guerre – qu’on nomme « guerre civile » – alors qu’elle était en partie étrangère. Elle a rassemblé 220 000 personnes, selon les syndicats. À un moment où les gens étaient épuisés, où le nombre de morts était élevé, et où le taux de chômage atteignait un niveau sans précédent, nous nous sommes mis d’accord – moi, à Beyrouth-Ouest – avec les syndicats de Beyrouth-Est, pour lancer ensemble un appel à manifester contre la guerre.
C’était en 1988. Les jeunes venus de l’Est, qui ne connaissaient pas l’Ouest, et ceux de l’Ouest, qui ne connaissaient pas l’Est, ont commencé à enjamber les barrières installées entre les deux côtés de la ville. Ils s’embrassaient alors qu’ils ne se connaissaient pas.
Nous, les syndicalistes, séparés par la guerre depuis 14 ans, nous nous sommes pris dans les bras. C’était un moment de grande émotion. C’était l’une des plus grandes manifestations, et sa seule revendication était : mettre fin à la guerre.
LA TUTELLE SYRIENNE DES ASSAD ET LES SYNDICATS LIBANAIS
La tutelle du régime Assad a-t-elle, elle aussi, fragilisé les syndicats ? Comment ?
Les syndicats sont restés forts jusqu’en 1983. Ensuite, le régime syro-libanais – c’est-à-dire le régime syrien de Hafez el Assad et ses alliés libanais – a pris le contrôle de la formation des syndicats et de l’organisation des élections syndicales.
Ce contrôle a perduré jusqu’à la chute de Bachar el Assad, le 8 décembre 2024.et. Depuis les années 1980, aucun gouvernement ne s’est formé sans inclure au préalable, le parti Baath ou le Parti national syrien, tous deux appliquaient directement la politique de la Syrie au Liban.
Après le retrait des forces syriennes en 2005, le Hezbollah, le parti Amal, et parfois d’autres partis proches de la Syrie ont assuré cette tutelle par procuration.
Comment l’influence du régime Assad s’est infiltrée dans les syndicats libanais en 1983 ?
Le baassiste Abdallah el-Amine a commencé, dès 1983, à saper les syndicats avec la complicité du régime syrien et de ses alliés. Ils ont constaté qu’ils n’avaient plus la majorité dans les syndicats, que le contrôle leur échappait. Nous étions actifs depuis 1946, et désormais expérimentés. Ils ont vu qu’au sein de l’Itihad (l’Union fédérale des travailleurs), nous étions opposés à eux – qu’on soit de gauche ou non.
Comme nous étions plus nombreux, leur stratégie a été de manipuler des licences pour créer de nouvelles fédérations, afin de nous dépasser en nombre. Nabih Berri a commencé par accorder cinq licences pour le parti Amal, parce que nous en avions quatre de plus qu’eux. Puis il a délivré douze de plus, et ainsi de suite. Il nous a carrément dit et en public : « Plus vous vous démenez, plus nous produisons de licences ». À la fin on pouvait compter 270 syndicats, voire plus. À cette époque, on dénombrait 18 fédérations, aujourd’hui, on en est à 620 syndicats et près de 72 fédérations !
Et pour la première fois les syndicats ne portent même plus les noms des métiers, mais des noms absurdes : « La Profession », « Le But »… Le pire, c’est qu’à l’époque où il n’y avait que 18 fédérations, le revenu national s’élevait à 53 milliards de dollars par an – une économie encore acceptable. Depuis les politiques menées de 2005 à aujourd’hui, avec les crises économiques, l’effondrement de la livre, le Covid, etc., ce chiffre est tombé à 18 milliards, ce qui signifie une nette régression.
Cela a aussi affaibli la classe ouvrière, déjà fragilisée par l’afflux des réfugiés Syriens fuyant les drames dans leur pays. Ces ouvriers (réfugiés syriens) touchent des aides de l’Union Européenne, et acceptent de travailler pour des salaires très bas et sans droits, en raison de leurs conditions précaires. Ce phénomène a un impact direct sur les travailleurs libanais, qui peinent à trouver un emploi, et finissent, pour beaucoup, par émigrer.
Qu’en est-il actuellement de l’état des syndicats au Liban ?
La proportion de travailleurs syndiqués est tombée très bas. J’ai vérifié les chiffres auprès du ministère du Travail pour mes recherches : de 2000 à 2017, nous sommes passés de 200 000 membres à un chiffre incertain.
En 1993, le pouvoir syro-libanais a réussi à faire la guerre contre Elias Abou Saab, alors président de la Fédération en l’affaiblissant par la création en série de faux syndicats. Ils ont ensuite envoyé l’armée pour arrêter une partie des syndicalistes, et ont comploté contre Elias Abou Risk, par la fraude et la répression. Avec le pouvoir en main, ils ont réussi à l’éloigner, lui ainsi que l’Itihad (Union fédérale des travailleurs). Le pouvoir a fini par permettre à Elias Abou Risk de retrouver ses fonctions. Il voulait se présenter aux élections à Marjeyoun, contre la liste de Nabih Berri dans le sud du Liban. Berri a préféré le maintenir à la tête de l’Union fédérale, qu’ils contrôlaient par son affaiblissement, plutôt que de le voir ouvrir un nouveau front politique. Mais ils ont fini par s’arranger pour se débarrasser de lui.
Depuis 1997 jusqu’à aujourd’hui, on peut dire qu’il n’existe plus de syndicats réels, ni réellement actifs au Liban. Avec le nouveau gouvernement en place, il faut saisir l’occasion et tenter une restructuration de l’espace syndical : limiter le nombre de fédérations, réformer le Code du travail et retirer à l’État les prérogatives qu’il s’est arrogées, comme celle d’accorder ou de refuser arbitrairement les licences syndicales. Nous devons poursuivre la lutte !
Notes :
[1]Il s’agit d’une sous-division administrative du mohafazat (gouvernorat) au Liban. Chaque gouvernorat est divisé en plusieurs Qasa (caza), et chaque caza comprend plusieurs villes, villages ou municipalités.
[2] Le mouvement restitue la constitution de 1876, qui avait mis en place une monarchie constitutionnelle. Elle est néanmoins saccagée deux années plus tard, par le sultan Abdulhamid, qui rétablit le pouvoir autocratique avant de capituler en 1908, renversé en 1909 après la contre-révolution des monarchistes. Son frère Mehmed V est couronné à sa place.
[3] On recense un seul syndicat ouvrier à Zahlé, né en mars 1923. Ce syndicat limitait toutefois ses activités à la solidarité et l’entraide, notamment une aide médicale et juridique Il n’avait cependant pas d’activité de contestation très développée, bien qu’il ait créé des unités dans toutes les communes de la Bekaa où passait less chemins de fer.