18/01/2022

L’urbanisation « durable » à Oman : de la décontextualisation à « l’encastrement écologique » ?

Maisons modernes sur la route 31 au nord de Nizwā, face à Tanūf, Oman / © Photo : Thibaut Klinger, avril 2018.

Par Thibaut Klinger

Lors de la journée d’étude du CAREP Paris « Les villes dans le monde arabe », le 4 décembre 2020, Jalal Makhzoumi évoquait la notion d’« ecological embeddedness » (ou d’« encastrement écologique[1] ») et ses bénéfices pour un développement durable. Elle affirmait notamment que « le contact avec la nature sensibilise aux problèmes environnementaux et invite à la sobriété. Dans le même temps, la récupération du patrimoine naturel et culturel urbain réaffirme le sentiment d’appartenance et d’identité tout comme le caractère d’un lieu ou d’une ville. Sur le plan politique, le caractère public des espaces verts sert comme arène pour la démocratie, occasion de la pratique de la citoyenneté face au modèle néolibéral croissant de développement urbain dans la région[2] ».

La situation du sultanat d’Oman au regard de cette notion apparaît paradoxale. D’un côté, les villes omanaises et, avant toutes, l’agglomération capitale de Mascate qui concentre 30 % de la population du sultanat, ne connaissent pas les exubérances architecturales présentes ailleurs. Mascate frappe par l’unité esthétique des bâtiments, voulue par le sultan Qābūs, par la faible hauteur des immeubles, ainsi que par le soin du fleurissement de nombreux axes majeurs de l’aménagement de parcs, même si ce n’est pas avec l’intention que « the publicness of green areas serves as an arena for democracy » (« le caractère public des espaces verts serve comme arène pour la démocratie ») ! L’effet produit est en accord avec le discours officiel de modération, qui est censé caractériser la vie quotidienne des Omanais ainsi que leurs relations au reste du monde, en harmonie avec une nature dont la beauté est un attrait majeur d’un pays, fier de pouvoir accueillir le tourisme mondial avec le slogan « beauty has an address » (« la beauté a une adresse[3] »). D’un autre côté, l’urbanisation a été l’outil majeur pour forger l’Oman contemporain en quelques décennies, en modernisant rapidement et massivement le cadre de vie des habitants. Cela s’est réalisé dans une « décontextualisation complète, dans laquelle un avenir imaginé est posé comme base conceptuelle à partir de laquelle évaluer le présent[4] ». Il s’est agi, notamment, de sortir l’habitat du cadre socio-politique tribal traditionnel. Le résultat visible est un étalement urbain dont le degré est une caractéristique majeure d’Oman et qui constitue certainement le plus grand défi pour un urbanisme « durable ». C’est le cas en partie parce que la décontextualisation a répondu au double objectif de conforter l’autorité du jeune souverain, arrivé au pouvoir par un coup d’État contre son père Sa‘īd, avec le soutien de la puissance tutélaire britannique, et de pacifier un territoire souvent tiraillé par les rivalités intertribales[5]. Elle a aussi une dimension historique : la politique menée par Qābūs, à partir de 1970 est qualifiée de « Nahḍa » ou « renaissance » et, si elle vante le passé glorieux d’Oman, elle souligne à l’envi la rupture représentée par le changement de souverain. Il y a là une conception de l’histoire « déhistoricisante » qui caractérise certaines expériences de modernisation par un urbanisme planifié[6].

Thibaut Klinger

Thibaut Klinger

 

 

Thibaut Klinger est normalien, agrégé d’histoire. En 2020, il a soutenu une thèse de géographie sur « l’aménagement du territoire et l’identité nationale du sultanat d’Oman » à l’université de Tours, parue chez De Gruyter.

 

On voit que le défi d’un développement durable et de « green cities » à Oman implique un changement particulièrement profond de paradigme, bien au-delà de l’adoption de quelques normes et de la réalisation de bâtiments certifiés Leadership in Energy and Environmental Design (LEED), mises en avant par de belles publications ou par la remise d’innombrables « prix de l’environnement » depuis déjà au moins deux décennies, ou la célébration de la Journée de l’environnement le 8 janvier, ou encore celle de l’arbre le 31 octobre. Certes le gouvernement omanais intègre le développement durable à son action et à ses documents stratégiques. En 1974 est créé le poste d’Environmental Protection Adviser, le premier de ce genre dans la péninsule arabique ; en 1979 une Public Authority for Environmental Protection and Pollution Control ; en 1984 un Environmental Protection and Pollution Control Council. En 2007 est créé le Ministry of Environment and Climate Affairs, devenu une Environment Authority en 2020[7]. Enfin, dans sa page « sustainability », le nouveau site d’eGouvernement du sultanat[8] présente la déclinaison omanaise des 17 objectifs de développement durable adoptés par l’ONU en 2015 au sein de l’Agenda 2030. Pourtant, deux réserves de taille peuvent être émises[9]. La première est que la notion de durabilité ou sustainability est utilisée sans être vraiment définie, sinon comme économie d’énergie. Certains éléments qui en relèvent, comme la diversification économique, la bonne répartition territoriale du développement et le soutien au secteur privé, sont intégrés dans les documents de stratégie dans le cadre de cette notion, même quand ils se traduisent par la consommation accrue d’énergies fossiles. On rappellera qu’à côté du soin pris de l’environnement et de l’objectif de développement économique, le développement durable défini par le rapport Brundtland[10] inclut l’équité ou justice sociale, selon les formulations, ce qui comprend l’accès à des services de base, mais aussi la participation aux décisions politiques des populations. La deuxième réserve concerne la mise en œuvre des documents stratégiques : plusieurs auteurs relèvent que de nombreux documents, élaborés avec soin par des cabinets d’experts, ne sont ensuite ni diffusés ni appliqués. Les administrations ne considèrent comme contraignants que les textes publiés par la Gazette officielle, émanant du gouvernement, ce qui n’est pas le cas des différents documents de planification. Par ailleurs l’autorité de ces derniers est d’autant plus faible qu’il y a abondance d’organismes chargés de planifier, avec des périmètres fluctuants, et qu’il y a aussi multiplicité et concurrence des administrations en charge de l’urbanisation.

Prenant en compte ces éléments, nous nous demandons quels sont les défis de l’urbanisation « durable » à Oman et dans quelle mesure cette dernière peut conduire à une « recontextualisation », renouant avec « l’encastrement écologique » perdu ? Après avoir analysé ce que pourraient signifier « l’encastrement écologique » de l’habitat décontextualisé omanais et la remise en cause de la décontextualisation « politique » des quartiers, le caractère « durable » de nouvelles formes d’urbanisation expérimentée à Oman pourra être évalué.

 

Un habitat omanais « durable » : quel sens ?

Si l’on se rappelle que le développement durable repose sur les trois piliers de l’environnement, de l’économie et de l’équité, l’habitat omanais a été un outil massif pour réaliser les deux derniers, bien avant que ces notions ne soient formalisées dans ce cadre.

Un outil de justice sociale

Quand il s’adresse à son peuple dans une courte allocution, le 23 juillet 1970, le sultan Qābūs oppose le passé immédiat et l’ère nouvelle qu’ouvre son coup d’État : « hier étaient les ténèbres, demain, avec l’aide de Dieu, se lèvera l’aurore sur Mascate, Oman et son peuple ». Promouvoir l’habitat en maison individuelle et distribuer des parcelles de terrain sont le moyen choisi pour développer le pays et le sortir de son arriération. Selon ’Aḥmad Al-Mukhaīnī, membre de l’ancienne Historical Association of Oman[11], le sultan avait l’habitude, comme lors d’une interview accordée à Paris Match en 1988, de définir le développement par les « 4 m », le logement (manzil), l’école (madrasa), l’hôpital (mustashfā) et l’accès à l’eau (mā’). Par-delà l’aspect technique, il y a là une sorte de définition des « biens premiers » dont l’égal accès garantit la justice sociale suivant l’analyse de John Rawls. Conçu comme outil pour garantir à tous ce minimum, l’octroi de la maison individuelle pourrait apparaître comme l’application omanaise du principe rawlsien du maximin[12].

En 1972, un décret royal ouvre la possibilité à chaque foyer omanais de posséder quatre parcelles pour l’habitat, l’activité agricole, le commerce ou l’industrie. Le décret royal n° 81 de 1984 réorganise la procédure de l’octroi ou minḥa d’une parcelle à usage résidentiel de 600 m² à tout Omanais d’au moins 23 ans qui le souhaite, dans la région d’origine ou dans celle de son travail. En 2008, ce droit est ouvert par le décret royal n° 125 aux Omanaises, qui jusque-là n’en bénéficiaient qu’en cas de veuvage, de divorce ou d’un âge supérieur à 40 ans[13]. La distribution se fait par tirage au sort des parcelles à attribuer aux candidats, présentés par le wālī et inscrits préalablement sur une liste, au sein des antennes locales du ministère du Logement[14]. Le dispositif est complété par des prêts à la construction à taux zéro ou faible, consentis par l’Oman Housing Bank et par l’octroi de logements sociaux ou sha‘abiyya sous forme, là encore, de maisons individuelles, aux foyers à revenus les plus faibles.

Ce système crée un lien fort entre le sultan et son peuple et le souverain apparaît au cœur de la justice distributive du régime. La minḥa, dont le sens associe l’idée d’octroi et de bienfait, illustre la nécessité pour le sultan, de « délégitimer les autres ‘aṣṣabiya en s’érigeant lui-même comme seule autorité morale à même de procéder à la redistribution de la rente pétrolière[15]». Le coloris blanc des maisons de l’agglomération de Mascate, qui obéit à des prescriptions esthétiques officielles analysées plus loin, mais que l’on rencontre aussi dans une grande partie du pays, complété par des tons plutôt clairs même quand ils sont très colorés, tranche avec la couleur sombre de la roche des massifs de l’Hajar, dont le nom évoque précisément la pierre. On est bien loin de l’harmonie entre le paysage et les maisons en pisé, ou en pierres comme au pied de l’Akhdar, à Ghūl ou à Birkat al-Mawz. Ces dernières, en se fondant dans l’ensemble avaient un aspect d’appartenance organique avec l’environnement[16]. Visuellement, le territoire omanais forgé par le sultan se remarque au premier coup d’œil et de manière massive, sur des dizaines de kilomètres d’étalement urbain, couverts de villas dont les teintes claires ressortent sous le soleil. Il y a là un bel exemple de « production de l’espace » analysée par Henri Lefebvre, témoignant de la « capacité créatrice […] d’une communauté ou collectivité, d’un groupe, d’une fraction de classe dirigeante[17] ». Le processus de la minḥa a créé un espace omanais qui est le fruit de la rencontre entre la demande de la population d’une vie meilleure et le projet politique de Qābūs de forger une nation moderne. Elle fait aussi du territoire la manifestation et l’outil de la nouvelle justice qui doit caractériser le pouvoir : la maison individuelle sur une parcelle largement normalisée doit permettre une justice structurelle, limitant les inégalités, tandis que son attribution par tirage au sort est censée garantir une justice procédurale, même si des biais peuvent exister[18]. C’est ainsi qu’en 2015, 89% des ménages omanais sont propriétaires de leur logement[19]. Ce dispositif présente une expérience très originale de justice spatiale, avec la dialectique analysée par Edward W. Soja : le projet politique de justice de Qābūs façonne le territoire omanais, qui devient un espace de justice par la manière dont les Omanais le vivent au quotidien en l’habitant et en s’y déplaçant[20].

Étalement urbain et durabilité

Plusieurs caractéristiques de ce dispositif d’octroi d’une maison individuelle à tout Omanais expliquent l’étalement urbain gigantesque que l’on peut observer à Oman[21]. À Nizwā, à l’oasis traditionnelle de 500 ha fait suite à une oasis de 3 500 ha dans les années 2000, la surface construite étant passée de 50 ha en 1960, à 300 ha en 2003, la population se montant à 42 087 habitants en 2010. Selon un autre périmètre, l’étalement urbain s’observe aussi avec une augmentation de 17 % de la population de 1993 à 2003 mais de 30 % pour la surface construite[22]. Pour ce qui est de l’aire urbaine de Mascate, de 1970 à 2003, une étude de la Sultan Qaboos University à partir d’images satellites montre que l’espace urbain passe de 2 316 ha à 19 234 ha soit une croissance de 730 %, ou 6,6 % par an, avec d’abord un triplement de la surface à destination résidentielle en dix ans, puis un nouveau triplement jusqu’en 2003[23]. Aujourd’hui, l’extension de Nizwā se poursuit à plus de 15 kilomètres du centre ancien !

Alors que l’urbanisation devait fournir les services urbains, l’étalement urbain massif finit par rendre cet aspect problématique[24]. À Oman, l’accès se fait pour toute une partie des habitants par la route, et ce jusqu’au cœur de l’agglomération de Mascate : la majorité des nouveaux quartiers résidentiels y est approvisionnée en eau par camions-citernes – bleus pour l’eau potable – tandis qu’il n’y a pas d’égout mais une fosse septique, dont la vidange est assurée par d’autres camions-citernes – jaunes, surnommés « poo-poo trucks » – aux frais de l’habitant, ce qui conduit certains habitants à percer volontairement la fosse pour qu’une partie s’écoule discrètement à moindre coût…[25] Au pied de Madinat Sultan Qaboos se trouve par exemple l’une des grandes stations de remplissage des camions-citernes livrant l’eau dans l’agglomération. Même dans le cas des lotissements sha‘abiyya, 42 % seulement sont connectés à l’eau courante et un tiers à l’égout, les autres devant recourir aux camions[26]. Les réservoirs d’eau en plastique blanc ou beige sont entreposés sur les toits, en plein soleil, ce qui fait chauffer l’eau et en dégrade la qualité, nécessitant un entretien au moins une fois par an. Lorsque le portail gouvernemental Omanuna évoque l’achèvement du 6e Objectif de développement durable, à savoir « garantir l’accès de tous à l’eau potable et à l’assainissement » avec l’argument que « 98.7% de la population bénéficie de l’accès sécurisé à l’eau potable » et « l’assainissement et les services d’hygiène couvrent plus que 98 % de la population des aires urbaines[27]», il y a bien une réussite sur le plan de la justice sociale et du développement mais l’impact environnemental laisse rêveur.

La généralisation des « free standing Omani villas » (villas individuelles omanaises) a conduit à un désencastrement environnemental majeur puisqu’elles incarnent une architecture « qui n’a ni racines rurales ni racines urbaines[28]. » Avec l’électricité, le ventilateur et, rapidement, la climatisation accompagnent le remplacement du pisé traditionnel, ou de la pierre pour les villages de piémont, par le béton, sans isolation ni attention à l’exposition à la chaleur du soleil, qui accompagne l’éloignement des maisons entre elles, au rebours des villages anciens de l’Intérieur. En cas de coupure de courant, une maison moderne est rapidement inhabitable[29]. Au lieu des diverses ouvertures créant une circulation d’air et ouvrant sur l’extérieur, la maison s’est fermée sur elle-même, prolongée par la voiture climatisée donnant accès à des bureaux ou à des centres commerciaux eux aussi climatisés. La coupure avec l’environnement et l’air extérieur peut être massive. Si les personnes âgées se souviennent d’un temps où l’air conditionné était rare, toute une partie des Omanais d’aujourd’hui ne vit que dans des températures artificiellement contrôlées, sortant à peine, notamment les femmes, ce qui conduit à des carences en vitamine D[30]. La croissance de la consommation éléctrique privée, de 10,4 % en 2014 et 2015, est même plus forte que celle de la population (7,5 %), du PIB (4,6 %) et de la capacité à dessaler (+7,1 %) sur la même période. Si elle diminue légèrement en pourcentage du nombre de contrats (environ 75 % du total), la consommation privée augmente en part de la consommation éléctrique, autour de 47,5 % du total[31]. Aujourd’hui, celle-ci est produite à 98 % par le gaz même si plusieurs projets de production solaire[32], ou de production à partir de déchets ménagers ont été lancés. De son côté, l’arrivée de l’eau dans la maison a rompu le lien multiséculaire avec les ’aflāj[33], ces canaux d’irrigation typique des palmeraies omanaises. Ceci est d’autant plus le cas que 4/5 de la consommation d’eau provient désormais du dessalement de l’eau de mer par osmose inverse[34], un procédé qui est aussi énergivore.

 

Un étalement urbain « politique »

La modernisation par l’urbanisation n’a pas seulement bouleversé la maison mais aussi le quartier ou ḥāra (pluriel ḥārāt) et produit un nouvel espace urbain caractérisé par un étalement qui semble souvent sans fin. Le bouleversement qui en résulte n’est pas uniquement spatial. Il touche également des lieux de régulation sociale majeurs comme la mosquée ou la sabla, institution de médiation de conflits spécifique à Oman, et donc la manière dont la population peut participer à la prise de décision politique.

Du ḥāra ancien au krooki

Le ḥāra n’était pas seulement un ensemble de maisons mais « le témoignage matériel de l’histoire sociale de ce pays et du “savoir-faire” de sa société[35] », ou selon Salīm al-Maḥrūqī, sous-secrétaire au patrimoine au ministère du Patrimoine et de la Culture, « un brillant exemple de la capacité des peuples à s’adapter au défi posé par les conditions topographiques et environnementales[36] ». Ces affirmations soulignent en creux que le ḥāra a constitué un enjeu géopolitique majeur : outil de maîtrise des ressources du territoire et donc de puissance, il est l’une des incarnations de l’identité nationale omanaise. Sa disparition et les mutations qui l’accompagnent ne se limitent pas à un simple problème d’urbanisme :

Ce sont les mémoires, les pratiques et les hiérarchies locales associées aux ‘quartiers’ (ḥārāt) qui ont le plus clairement révélé les tensions relatives au passé d’Oman, son système de gouvernement et la mutation des pratiques de régulation sociale[37].

Si les ruines des vieux hārāt émeuvent le visiteur et commencent désormais à intéresser les Omanais après des décennies d’abandon, il ne faut pas oublier que leur signification était ambiguë. Restes d’un habitat qui parvenait à un admirable « encastrement écologique[38] », ils rappellent les tensions intertribales qui constituaient une menace permanente pour la tranquillité de la population. Le règne de Qābūs a été aussi une époque de pacification. Son père avait dû lutter contre des velléités sécessionnistes dans le massif de l’Akhdar et lui-même dans la province du Dhofar, au sud-ouest du pays. Dans notre thèse[39], nous avons pu souligner combien la sortie massive des Omanais de ces quartiers anciens ne s’expliquait pas seulement par les arguments de nécessité matérielle habituellement avancés, mais s’apparente aussi à une forme de politique de contre-insurrection, particulièrement visible à ’Ibrā ou à Nizwā. Modernisation et renforcement du pouvoir central du sultan sont allés de pair. Les formes actuelles de l’urbanisation omanaise renvoient aux fondements du régime politique et les remises en cause en vue d’un développement durable ne peuvent en faire abstraction. L’étalement urbain, caractère majeur et frappant de l’urbanisme omanais, est aussi un étalement « politique » et le désencastrement n’est pas seulement environnemental mais largement aussi socio-politique.

Avec les nouvelles règles d’urbanisme, ce n’est plus le mur des hārāt qui doit assurer la sécurité et l’intimité mais celui qui enclot la maison individuelle. Les quartiers ont donc tendance à disparaître dans l’atomisation de l’espace, la principale exception étant les quartiers les plus denses de Mascate ou de certaines agglomérations, avec des immeubles, ou les logements sha‘abiyya, dont les parcelles sont mitoyennes[40]. Cette transformation isole chaque famille, émiette la population, ce qui peut contribuer à sa pacification mais aussi à sa dépolitisation.

Non seulement l’urbanisation s’est efforcée de mettre fin à tout contexte local problématique, mais l’urbanisation conduite sous Qābūs a produit une localité « moderne », telle que l’analyse Arjun Appadurai. Ce dernier la définit comme une « structure de sentiment, propriété de la vie sociale et idéologie d’une communauté identifiée ». Elle peut s’incarner dans le quartier ou neighbourhood, qui pourrait ici être traduit par « communauté », comme « les formes sociales réellement existantes dans lesquelles la localité, en tant que dimension ou valeur, est réalisée de manière variable », élément qui est pris en compte également par le 11e des Objectifs du développement durable. Or, cette nouvelle localité devait correspondre au projet de refonder l’État-nation omanais autour de la figure paternelle du sultan. Comme ailleurs, la normalisation du quartier joue ici un rôle clé : « les quartiers sont conçus pour être des instances et des exemples d’un mode d’appartenance généralisable à un imaginaire territorial plus large[41] », faisant parfois abstraction complète du relief et de l’environnement naturel immédiat. Ce « désencastrement écologique » entraîne celui des maisons : architecte et propriétaire ne se préoccupent plus de l’impact de la maison à construire au-delà des murs de limite de la parcelle et s’en tiennent au respect strict des prescriptions de l’État qui sont comme un « magic urban scheme », sur lequel sont littéralement fichées ou connectées (« plugged in ») les maisons, telles des briques Lego[42]. Significativement, dans les documents, les parcelles forment désormais davantage un « cluster » qu’un « settlement », accentuant l’idée de groupement plutôt que d’établissement. Ce « plan magique » dessiné par l’État s’appelle officiellement un « Krooki », fourni par le ministère du Logement et contenant les informations relatives au terrain, au bâtiment et à son usage, avec les coordonnées de géolocalisation, qui peuvent différer selon les régions[43].

Une urbanisation « désurbanisante »

Comme dans le cas de Koweït-City étudié par Farah Al-Nakib[44], la distinction faite par Henri Lefebvre est devenue dissociation, « entre d’une part la ville, réalité présente, immédiate, donnée pratico-sensible, architecturale – et d’autre part l’urbain, réalité sociale composée de rapports à concevoir, à construire ou reconstruire par la pensée ». Le résultat est paradoxal, une « urbanisation désurbanisante et désurbanisée », qui a oublié que le « droit à la ville », analysé par Henri Lefebvre, ne se limitait pas à l’accès au confort urbain mais aussi à toute une vie sociale et politique qui fait la ville[45]. Le modèle de la villa individuelle pour chaque foyer omanais a valorisé avant tout la vie privée, dans laquelle devait se matérialiser le nouveau confort, aux dépens des interactions entre habitants qu’implique l’urbanité. Les prescriptions d’urbanisme maintiennent à distance le voisin, à l’exception des maisons jumelles, qui ont un mur mitoyen. À l’extérieur de la parcelle, sauf dans quelques quartiers plus aisés, où un couvert végétal rend la rue plus attrayante, tout contact est découragé par la largeur de cette dernière, fréquemment de 20 à 36 m, avec de larges « trottoirs », rarement utilisés pour la marche et formant davantage comme un glacis devant le mur de propriété, éventuellement occupé par le stationnement de véhicules, par des bennes à ordures ou par le stockage de matériaux de construction[46]. En fait la notion même de « voisin » a perdu largement de sa signification, alors qu’elle était au cœur de l’urbanisme arabo-musulman, élaboré sous la forme d’une jurisprudence réglant les problèmes issus des relations entre voisins, d’une part[47], et comme objet de sociabilité d’autre part.

C’est également le cas de la rue, que la fin du ḥāra a transformée en simple infrastructure de communication automobile, éventuellement de stockage additionnel de matériaux de construction. Le manque de coordination entre les administrations et les caractéristiques mêmes de l’octroi des maisons par tirage au sort aggravent cette situation. Les lotissements sont en chantier en permanence, par exemple plus de huit ans pour le quartier d’Al-Khūḍ Phase 6, dans l’ouest de l’agglomération de Mascate, créant un environnement de bruit et de poussière qui décourage toute sociabilité de rue[48]. Sulaīman Khalaf l’observe plus généralement dans les villes arabes du Golfe :

Je n’avais pas noté auparavant que la ville moderne du Golfe ignorait le concept d’al-shāri’, la rue, au sens d’activité sociale intense, telle que j’en avais fait l’expérience au Caire [… nos rues] restent des rues seulement pour les voitures. Les trottoirs parallèles aux routes ne peuvent pas être comparés en termes de vitalité, d’impulsion, de grégarité et de détails humains avec leur homologue des grandes villes du monde[49].

Oman a donc vécu une rupture avec la conception islamique de la rue et de l’espace privé, marquée par une certaine fluidité, qui pouvait transformer temporairement un espace public en espace privé ou inversement[50]. C’est particulièrement le cas des « culs-de-sac » identifiés par Besim Hakim[51]. Ces rues qui ne mènent nulle part (ṭarīq ghaīr nāfidh), dénommés darb[52], zuqāq ou sikka, sont des espaces semi-publics. En se resserrant et en déviant le passage, la sikka permet à l’intimité familiale de déborder de la maison pour profiter par exemple de la fraîcheur du soir avec des voisins apparentés. Elle crée alors une forme de parenté souple que le nouvel urbanisme a tué[53] .

Dans le ḥāra traditionnel, la sikka était aussi ce chemin piétonnier qui conduisait de la maison à la sabla où les membres d’une tribu se réunissaient régulièrement au cours de la journée. Aujourd’hui, la distance pour s’y rendre est telle que les habitants préfèrent prendre la voiture. Seule la visite de la mosquée du quartier reste, semble-t-il, un trajet réalisé massivement à pied à Oman aujourd’hui. La voiture est omniprésente autrement, à telle point que beaucoup de rues disposent de parkings à quelques dizaines de centimètres de la vitrine des magasins, ne laissant aucun espace pour une possible discussion : il n’y a plus le banc (dakka) près du magasin, qui faisait partie des cinq éléments modernisés de l’‘urf[54]relevés par Besim Hakim[55].

Développement durable et contexte ?

Le tableau ainsi brossé de l’urbanisme omanais peut paraître sévère et le défi du développement durable immense. Bien sûr, c’est le cas dans de nombreux autres pays, mais Oman se distingue par la grande rapidité de sa modernisation et le caractère particulièrement marqué des choix qui ont été faits. S’ils ont permis une remarquable élévation du niveau de vie des Omanais , ces choix  posent aujourd’hui des obstacles majeurs au développement durable. Il nous semble que l’issue se trouve dans la prise au sérieux de la notion de « contexte » qu’implique le développement durable et que traduit « l’encastrement écologique ». Cela s’observe dans l’aspiration des Omanais à retrouver une urbanité « vibrante » et dans les ambiguïtés que présentent les tentatives d’un habitat plus en lien avec l’environnement.

Retrouver une urbanité « vibrante » ?

On peut se demander si le succès à Oman des gated communities et des Integrated Tourism Complexes (ITC), seuls quartiers où les non-nationaux peuvent acquérir un bien immobilier, n’est pas à comprendre comme une tentative pour retrouver une certaine urbanité perdue, tant sur le plan du lien social que sous la forme d’encastrement environnemental. Il est frappant de constater combien les descriptions sur les sites internet institutionnels des gated communities ou ITC mettent en avant cet aspect, au-delà de la simple mise en valeur du luxe ou des équipements des biens présentés. Le site officiel d’Al-Mouj décrit l’ITC comme « a vibrant hub », le terme de hub étant justifié par l’accumulation de services proposés dans l’immédiat ou à terme[56]. Le site de Muscat Bay, au sein de Barr al-Jiṣṣa, fait la publicité pour l’achat de « Waterfront villas » dans le même registre puisque « Les villas de Muscat Bay sont à la fois intimes et privées, mais ouvertes et libres de toute complication […] à proximité de la place du village et vous placent au cœur de la communauté de Muscat Bay[57] ». Il s’agirait ainsi de rendre vie à un « usage » en commun de la ville, voire de redécouvrir comme elle peut être un lieu d’expression et de matérialisation du « désir » humain, défini comme « un mode particulier d’expression des relations humaines et sociales prises en compte dans un espace donné[58] ». Philippe Robert remarque que « le recours obsessionnel de la littérature spécialisée anglo-saxonne à l’expression « community » manifeste surtout une nostalgie[59] » : le moins que l’on puisse dire, c’est que l’expression est au cœur de toutes les descriptions sur les sites internet de gated communities et d’ITC, avec un sens plus ou moins riche selon les cas[60]. Par exemple, Al Mouj est « a warm and vibrant community[61] » et Muscat Bay invite à découvrir « an exquisite integrated community[62] ».

Si l’on en croit la promotion sur Internet, cette nouvelle « community » est caractérisée par une certaine intimité familiale (ou ḥurma), qui caractérisait l’ancien ḥāra et permettait une liberté de comportement dans les environs immédiats de la maison, notamment pour les femmes : l’abaya noire n’était pas de mise, mais un châle sur la tête, selon les régions, et des vêtements traditionnels colorés, souvent avec du rouge, étaient la tenue usuelle, dans la mesure où un sens aigu de la discrétion évitait aux femmes de croiser des hommes étrangers au cercle des proches[63]. N’est-ce pas cela que cherchent à recréer les Parkland Villas ou les Waterfront Villas de la gated community de Muscat Bay, selon le site mentionné : « Mascat Bay’s villas feel both intimate and private yet open and free from complication » (« Les villas de Mascate Bay sont à la fois intimes et privées, mais aussi ouvertes et libres de toute complication ») ? Dans ce contexte, nul besoin d’un mur élevé comme dans les maisons modernes omanaises pour garantir l’intimité familiale, comme on le voit sur les images de synthèse vantant ces ensembles en cours d’achèvement. De même, les parcelles sont plus resserrées que les 600 m² de la minḥa, avec 422 m² pour une partie des villas et 739 m² pour les plus grandes. Le site peut annoncer : « Il s’agit de maisons à l’ingénierie intelligente et au design subtil offrant des vues sur la verdure luxuriante ou les eaux du lagon central. Avec de grands espaces de vie en leur centre, elles sont construites pour accueillir le temps précieux passé en famille et entre amis ». Des moucharabiehs modernes suffisent alors à protéger l’intimité de la maison, selon les images de synthèse présentées par le site[64].

Ces nouvelles formes urbaines visent aussi à satisfaire une forte demande en services de qualité dans l’environnement des logements, ce qui revient à souhaiter un urbanisme de plus grande qualité que celui qui a été mené depuis 1970. Il s’agit d’abord d’un besoin de luxe, réel ou apparent : « les locataires aisés et les expatriés recherchent toujours des logements de luxe dans des communautés dotées d’équipements tels que gymnases, jardins et piscines[65]. » Celui-ci concerne des villas ou des appartements de haut standing, que développent plusieurs groupes immobiliers. L’apport de services est aussi une manière classique pour les gated communities d’améliorer la rentabilité de l’opération immobilière pour les promoteurs, car ils permettent de justifier des prix élevés alors que la marge sur la construction des logements n’est pas toujours élevée. En creux, on peut y lire une critique des limites de l’urbanisation officielle : des raccordements parfois difficiles, peu d’espaces publics de qualité, de longs trajets pour des services nécessaires au quotidien. À travers le monde, mais peut-être de manière plus marquée à Oman, les gated communities sont à interpréter aussi comme un moyen d’allouer des biens et des services, au-delà du débat sur une simple privatisation. De manière paradoxale à première vue, elles peuvent même apparaître comme une réponse à la question de la durabilité de l’urbanisation omanaise :

Du point de vue de la durabilité, il vaut mieux enfermer les ressources rares que les laisser ouvertes. Les ressources en libre accès souffrent d’une utilisation excessive. Les ressources en accès libre bien préservées entraînent des coûts très élevés […]. Dans ce contexte, il existe une demande de réaffectation des droits afin de se prémunir contre la dissipation totale des ressources, et les communautés fermées en sont un exemple[66].

Vers un habitat plus encastré écologiquement ?

Nous pouvons observer différents signes montrant une prise de conscience des Omanais de la réalité de l’enjeu du développement durable. La palmeraie est un lieu qui leur est cher, riche en significations[67]. L’oasis de Nizwā par exemple, une partie de la population cherche à construire pour profiter de son agrément, ce qui entraîne un mitage urbain important. Dans les années 2000, l’oasis de 600 hectares comptait 3 000 maisons construites à l’intérieur de celle-ci, la plupart dans les 10-15 années précédentes, aboutissant à une moyenne d’occupation de 43 personnes par hectare de palmeraie, contre une moyenne de 30 nourries traditionnellement par un hectare de palmeraie. À l’époque, environ 22 000 habitants ou un tiers de la « ville » habitent dans la palmeraie. Celle-ci perd alors sa fonction principale d’alimentation pour devenir une garden-city attractive pour sa qualité de vie, ce qui menace l’écosystème (ponction importante d’eau entraînant assèchement d’une partie de la palmeraie, pollution d’une partie de l’eau)[68].

Un nouvel intérêt pour le patrimoine est perceptible, non seulement comme trace d’un passé qui intéresse mais comme exemple d’un urbanisme savamment encastré dans l’environnement. Ici et là, des particuliers restaurent une maison de famille, même si cela reste très anecdotique au regard du nombre de celles qui tombent en ruine, délaissées par leurs propriétaires ou, désormais, par leurs descendants. D’autres maisons sont louées à faible prix pour y loger des travailleurs venus du sous-continent indien.

À l’image de la Misfah Old House à Misfāa al-‘Abriyīn ou du Nizwa Heritage Inn[69], ouvert très récemment, en plein Ḥāra al-‘Aqr, à deux pas du fort et du souk de Nizwā, quelques maisons sont restaurées pour exploiter des chambres d’hôtes. Ces initiatives individuelles témoignent d’une forme d’appropriation de ce qui se fait ailleurs, d’une participation personnelle à la mondialisation au sens d’une certaine généralisation des goûts, ici du patrimoine, sans doute à la suite de voyages à l’étranger. Des Omanais prennent conscience qu’un autre hébergement intéresse les touristes, qui ne demandent plus uniquement l’hôtel de luxe sans lien avec le cadre naturel. De telles réalisations, même très ponctuelles, fournissent l’expérience aux étrangers mais aussi aux Omanais qu’un habitat écologiquement encastré, issu du savoir-faire ancestral, a un avenir, une fois adapté aux nécessités de la vie actuelle.

Des enquêtes menées pour le ministère du Patrimoine et de la Culture par l’équipe de Soumyen Bandyopadhyay sur la réhabilitation de tel ḥāra mettent en évidence que c’est l’occasion d’envisager une forme de relocalisation énergétique de la maison, avec un modèle davantage ancré dans son environnement que la villa individuelle de la minḥa. La restauration proposée pour Misfāa al-‘Abriyīn inclut des panneaux photovoltaïques couplés à quelques piles, un recyclage des eaux usées et un assainissement adapté[70], ce modèle pouvant être étendu à d’autres palmeraies, voire plus largement. L’université allemande de GUTech dans l’agglomération de Mascate, a élaboré un modèle de maison moderne inspirée de techniques et de matériaux traditionnels poursuivant le même objectif d’une certaine re-contextualisation de l’habitat[71]. L’université de Nizwā a également travaillé sur un projet similaire avec une maison « test » construite à proximité du nouveau campus inachevé[72], tout comme l’University of Technology and Applied Sciences (ancien Higher College of Technology), les deux ayant été distingués lors d’une « Oman Eco-House Design Competition » destinée à promouvoir ce nouvel urbanisme, tandis que la Sultan Qaboos University de Mascate développe une « eco-house » expérimentale avec le soutien du Research Council[73]. En 2016, le Supreme Council for Planning met en place l’Oman Green Building Council (OGBC), comité chargé d’élaborer un code de la construction « vert ». L’étude des ḥārāt rappelle aussi qu’un système d’évacuation des eaux de pluie existait[74], alors que les nouvelles agglomérations en sont globalement dépourvues et font face à d’importantes inondations en cas de précipitations.

S’appuyant sur le projet de recherche conjoint « Challenges of Rapid Urbanization in Muscat, Oman » du Department of International Planning Studies de l’Université technique de Dortmund (TU Dortmund) et du Department of Urban Planning and Architecture de la German University of Technology in Oman (GUtech)[75], l’urbaniste Mais Jafari et le chercheur Wolfgang Scholz envisagent quatre axes permettant de « verdir » Mascate et d’autres agglomérations omanaises dans une logique de développement durable. Le premier consiste à valoriser le lit des wādī-s, mot qui désigne le cours d’eau et la vallée qu’il parcourt, équivalent du mot « oued » employé dans d’autres régions. Ces wādī-s fragmentent l’agglomération et sont perçus comme un espace inutile, alors que dans le reste du pays, ils sont souvent des lieux de pique-nique apprécié. Ils sont souvent pollués par des détritus, quand ils ne reçoivent pas les eaux usées de maisons. Quand ils sont urbanisés, les inondations lors de cyclones ou de précipitations brutales rappellent qu’ils ont une fonction naturelle à respecter. Depuis quelques années, ils font l’objet d’un nouvel intérêt de la part des aménageurs de Mascate, qui voudraient reproduire ce qu’a réalisé, entre 2010 et 2014, le cabinet français d’architectes « Atelier Jacqueline Osty & Associés » avec le wādī d’Al-‘Adhaība, dans l’ouest de l’agglomération capitale[76].

Un deuxième axe est d’encourager la marche comme mode de déplacement, voire le vélo. Il a été signalé plus haut combien la rue omanaise décourage bien souvent tout déplacement à pied, sauf ponctuellement dans des quartiers plus riches, où un effort de végétalisation est visible, procurant l’agrément de l’ombre et de la fraîcheur dans un environnement autrement très minéral et brûlant. Dans l’agglomération capitale, un tel effort s’observe par exemple dans la Madinat Sultan Qaboos, destinée aux étrangers, ou dans de nouveaux lotissements luxueux comme les hauteurs de Bawshar. Sur un plan plus limité, voire anecdotique, des efforts sont faits ici ou là : à ’Ibrā a été aménagée en 2016 une longue voie de marche, entre des haies végétales, qui la séparent du principal axe routier qu’elle longe. En revanche, plus discutable est le fait de mélanger piétons et cyclistes sur celle-ci. De grands espaces gazonnés la complètent avec diverses activités sportives possibles. À Muṭṭraḥ, la Corniche offre une rare longue promenade de trois mètres de large sur 3,5 kilomètres jusqu’au Riyam Park, puis Kalbūh Park, voire jusqu’au Musée national (près de 5 kilomètres au total)[77]. En 2013, au Riyam Park a été expérimenté un point de location d’une dizaine de vélos proposés sur le modèle de Vélib’ développé par JCDecaux à Paris de 2007 à 2017. Ce service O’Bike a été inauguré en février 2013 en présence de Chris Froome, vainqueur du Tour of Oman de cette année, et d’Eddy Merckx, incarnation de légende du Tour de France, étroitement associé à celui d’Oman[78]. Si l’on peut toujours louer des vélos à cet endroit aujourd’hui, l’initiative ne semble pas avoir débouché sur un développement du déplacement à vélo et le site internet O’Bike a fini par fermer. L’année 2020 marque peut-être un début d’engouement pour le vélo à Mascate mais ceux qui cherchent à le développer se heurtent rapidement au manque de cadre juridique, conduisant à un certain flottement de la part des agents de police concernant les cyclistes, et à l’absence de pistes cyclables, rendant très dangereuse la pratique du vélo comme moyen de déplacement[79]. Le manque d’expertise dans ce domaine fragilise les quelques efforts réalisés : une nouvelle règlementation d’octobre 2019 a ainsi interdit les vélos dans les parcs publics et les plages. Les arguments invoqués par la Municipalité de Mascate, sur la base du local order 97/32, à savoir le risque pour les visiteurs et les dégradations des pelouses et fleurs, renvoient aussi à un problème de fond des espaces publics à Oman, conçus davantage comme outil d’embellissement que pour l’usage des habitants[80].

Un troisième axe est de développer l’offre de transports publics, jusque-là plutôt mal considérés. L’objectif visé est que ce mode représente 25% des déplacements en 2040 à Mascate[81]. Dans cette optique, l’entreprise Oman National Transport Company (ONTC), fondée dès 1972, a été rebaptisée « Mwasalat » en 2014 et ses bus ont reçu une nouvelle apparence rouge et blanche, avec un dessin de « réseau » stylisé. Associée à une augmentation de la fréquence (un bus toutes les 15-20 min), l’opération de séduction a convaincu 5,9 millions passagers en 2018. En revanche, l’éventualité d’aménager des arrêts de bus climatisés laisse plus sceptique sur son caractère « durable[82] ». En complément de ce renouveau, l’offre de taxis a fait l’objet d’une régulation plus précise par le ministère des Transports et des Communications en janvier 2017[83]. Le marché de l’agglomération capitale est dominé par Mwasalat Taxi, O Taxis et Marhaba Taxis, dont l’application Careem a été rachetée par Uber.

Enfin, le dernier axe proposé est de rompre avec l’urbanisme de séparation fonctionnelle et de développer des quartiers d’habitation comportant aussi services et emplois. La séparation fonctionnelle et le tirage au sort des parcelles de terrain conduisent à d’importants déplacements en voiture pour aller au travail, faire des courses ou toute autre activité, et les infrastructures de l’agglomération capitale sont évidemment saturées aux heures de pointe. Le système d’allocation des parcelles conduit à une faible densité d’occupation qui offre aujourd’hui des possibilités pour compléter l’aménagement des quartiers dans cette direction. Là encore, on peut noter que les gated communities et les ITC peuvent apparaître comme une tentative d’aller dans ce sens car ils proposent généralement un véritable package comprenant une offre de services intégrée au projet. L’ensemble Dar al Zain du groupe Zain Property Development[84], à l’ouest de Mascate, offre ainsi terrain de jeu pour les enfants, vaste piscine, salle de gym, garderie et un vaste hall pour les festivités privées, lointain dérivé de la sabla que l’on peut louer pour des événements familiaux. À  Al Mawj, les services annoncés comprennent banque, supermarché, clinique, garderie, commerces et écoles internationales. Cette intégration des fonctions d’habitation et de multiples activités quotidiennes remet clairement en question la séparation fonctionnelle qui prévaut depuis 1970, sans doute tant pour répondre aux attentes de la population que pour résoudre une part du défi de durabilité, peu respecté par la solution de séparation avec les importants trajets automobiles. C’est ainsi qu’a été lancé un projet urbain de nouvelle génération par le Supreme Council of Planning et le ministère du Logement à Barkā’, en 2018, sous la forme d’un partenariat public-privé : le « Barka Integrated Residential Project » est une « mixed-use residential community », avec magasins, mosquée, centre de santé, parc public et un terrain en herbe pour le sport ainsi que des chemins pour les piétons. Sur 350 000 m², il doit proposer 1 000 villas aux citoyens éligibles du gouvernorat de Bāṭina du Sud et de celui de Mascate. Il est présenté comme une « city of the future » et comme une nouvelle approche pour offrir des logements aux Omanais[85]. Lancé en 2014 et accumulant les retards, le projet de nouvelle Liwa City ou Madīna Liwā al-Sakaniyya est présenté par les autorités « comme une ville modèle avec installations intégrées » (« kamadīnati namūdhajiyyati mutakāmilati al-murāfiqi ») : sur 8 km² (environ 5×1,6 km de part et d’autre du wādī Nabr), la nouvelle ville doit loger à terme 30 000 personnes, l’actuelle Liwā comptant presque 5 400 habitants[86].

Conclusion

De cette présentation, il ressort qu’une urbanisation durable est un défi colossal pour Oman, et remet en cause une part considérable de ce qu’est le pays aujourd’hui. Pour autant, il est aussi apparu qu’une prise de conscience existe, même si elle reste peut-être très marginale. Comme pour l’ensemble de l’aménagement du territoire, l’aspect sans doute crucial de l’urbanisation durable n’est peut-être pas tant technologique que dépendant de la gouvernance omanaise et de sa capacité à prendre réellement en compte l’avis et l’intérêt de la population. Cela se traduit concrètement par la nécessité d’articuler de grands projets de développement durable, sous forme de partenariats public-privé, qui peuvent être mis en avant dans le cadre du branding omanais, avec des aménagements à l’échelle très locale, plus discrets mais essentiels pour qu’il s’agisse réellement d’un aménagement du territoire. Le risque est grand de reproduire ce qui s’est fait dans le secteur du tourisme : au nom du choix officiel d’un tourisme sélectif, sont privilégiés de grands complexes hôteliers, parfois esthétiquement très soignés comme Barr al-Jiṣṣa ou conçus avec soin sur le plan écologique comme l’hôtel Alila Jabal Akhdar. Outre le bouleversement du milieu entraîné par ces projets, ils sont loin de bénéficier directement à la population locale et conduisent à privatiser une partie de l’espace « utile » du pays. Même si les populations sont dédommagées, parfois avec soin, il n’est pas certain que de tels choix correspondent pleinement à un développement durable. Ce processus a été montré pour le littoral de Salalah[87] et s’observe aussi à Duqm. On ne peut donc qu’être prudents face à la déclaration, dans le cadre du 11e Objectif de développement durable, de la volonté de développer ces centres économiques comme réponse à cet objectif. Des projets décrits comme luxueux et éco-responsables, de coût élevé, accessibles donc uniquement à de grands groupes liés au pouvoir, créant ensuite des emplois largement occupés par des étrangers même si le taux d’« omanisation » du secteur est plus élevé que la moyenne. Un projet comme celui de Madinat al-Irfan, dans l’ouest de l’agglomération de Mascate, a toutes les caractéristiques qui viennent d’être décrites et est significativement porté par OMRAN, l’agence qui est devenue le bras armé d’Oman pour le tourisme et l’immobilier. Présentée comme l’urbanisme omanais du futur, elle illustre bien le défi pour Oman : renouer avec « l’encastrement écologique » ne doit pas conduire à une nouvelle décontextualisation, oubliant l’Oman réellement construit depuis 1970 pour se limiter à quelques belles réalisations, qui iraient alors rejoindre les « lieux iconiques » du tourisme sans vraiment résoudre la question de la « durabilité ».


Notes :

[1] Jala MAKHZOUMI, « Ecological Embeddedness: Sustainable Greening of Cities in the Arab World », Centre arabe de recherche et d’études politiques (CAREP), mars 2021, https://www.carep-paris.org/publications/axes-de-recherche/ecologie-et-politique/vima/dossier-journee-etude-les-villes-dans-le-monde-arabe/. Jalal Makhzoumi utilise cette notion présentée par Gail WHITEMAN et William H. COOPER « Ecological Embeddedness ». Academy of Management Journal 43-6, 2000, p. 1265-1282. À partir de l’étude des Indiens Cris au Canada, ces auteurs reprennent eux-mêmes celles « d’encastrement » et de « désencastrement », formulées par Karl POLANYI dans La Grande transformation, de 1944.

[2] MAKHZOUMI 2021, p. 4. Cet extrait ainsi que toutes les citations anglaises cités dans ce papier ont été traduites par l’auteur.

[3] Par exemple sur la page d’accueil du portail du ministère du Tourisme omanais, https://omantourism.gov.om/, consulté le 10/11/2021

[4] « Total decontextualization, in which an imagined future is posited as the critical ground in terms of which to evaluate the present », dans : James HOLSTON, The Modernist City : an Anthropological Critique of Brasília, Chicago ; Londres : The University of Chicago Press, 1989, p. 9.

[5] Cette décontextualisation est au cœur de la thèse soutenue en 2020 sur Oman par Thibaut KLINGER, L’Oman contemporain : Aménagement du territoire et identité nationale, coll. Studies on Modern Orient 41, Berlin : éd. Klaus Schwarz / De Gruyter, 2021.

[6] HOLSTON 1989, p. 9.

[7] Récapitulatif du site officiel : https://www.meca.gov.om/en/the-authority/about-authority/the-founder-of-environmental-work/?csrt=11846430411964727248, consulté 10/11/2021.

[8] Omanuna: The official eGovernment Services portal : https://omanuna.oman.om/en, consulté 10/11/2021.

[9] Voir Khalfan SAID MUBARAK, S. AL-SHUEILI, Towards a Sustainable Urban Future in Oman : Problem & Analysis (Muscat as a case study), Glasgow : PhD Glasgow School of Art, 2015, p. 32, 169-184, 227 et 246.

[10] Rapport réalisé pour l’ONU en 1987 pour définir le développement durable.

[11] Rencontré le 19 avril 2018 à Mascate.

[12] Le maximin est pour Rawls une stratégie qui permet de maximiser la position des individus les moins bien lotis, dite maximin ou minimax, et qui consiste à minimiser la perte possible tout en maximisant le gain potentiel. Voir : «Interprétation géographique du maximin» dans : Bernard BRET, Pour une géographie du juste. Lire les territoires à la lumière de la philosophie morale de John Rawls, Paris : Presses universitaires de Paris Ouest, 2016, p. 20. Définition John RAWLS, Théorie de la justice, Paris : Seuil Points, [1971], 2009, p. 185 § 26.

[13] Références précises issues de Sonja NEBEL, « Urban governance and land management for sustainable development », in Urban Oman. Trends and Perspectives of Urbanisation in Muscat Capital Area, Sonja NEBEL et Aurel VON RICHTHOFEN (dir.), Zurich : Lit Verlag, 2016, p. 161.

[14] Dans la ville de Duqm, la boîte du tirage au sort trône dans le bureau du directeur, qui me l’indique avec un sourire quand je lui demande des précisions sur la procédure d’octroi, entretien du 23 octobre 2016.

[15] Marc VALERI, Le Sultanat d’Oman. Une révolution en trompe-l’œil, Paris : Karthala, 2007, p. 112.

[16] Soumyen BANDYOPADHYAY, Mirbat : Dhofar Governorate. Documentation and Heritage Management Plan, Liverpool : ARCHIAM, 2016, p. 47, https://issuu.com/archiam/docs/20170908_hmp_mirbat, étude sur Mirbat, dans laquelle les auteurs évoquent cet aspect (« characteristic ‘organic’ appearance ») des maisons du nord par opposition aux maisons blanches du Dhofar, en pierre de corail recouverte d’enduit blanc et gris.

[17] Henri LEFEBVRE, La production de l’espace, Paris : Anthropos, [1974], 2000, p. 136-137.

[18] Philippe GERVAIS-LAMBONY, « De l’usage de la notion d’identité en géographie. Réflexions à partir d’exemples sud-africains // The notion of identity in geography, a reflection through South African exemples », in Annales de Géographie 638–639, 2004, p. 84-85, https://doi.org/10.3406/geo.2004.21634

[19] Mamdouh SHOUMAN, “Deserts in The City: White Land and Regime Survival” in The Gulf, Atlanta : PhD Georgia State University, 2017, p. 136.

[20] Edward W. SOJA, Seeking Spatial Justice. Minneapolis: The University of Minnesota Press, 2010, p. 5.

[21] L’étudier en détail excède le cadre de cet article. Par exemple sur le rôle des prescriptions d’urbanisme et se reporter à Klinger 2022, p. 160-161.

[22] Heinz GAUBE et Anette GANGLER, Transformation Processes in Oasis Settlements of Oman, Mascate : Al Roya Press, 2012, p. 203 et 210.

[23] Talal AL-AWADHI, Monitoring and modeling urban expansion using GIS & RS: Case study from Muscat, Oman : Urban Remote Sensing Joint Event – IEEE, 2007, p. 4, https://www.researchgate.net/publication/4254321_Monitoring_and_Modeling_Urban_Expansion_Using_GIS_RS_Case_Study_from_Muscat_Oman

[24] Le phénomène a été étudié pour Jeddah, en Arabie Saoudite : document de planification cité par Al-Shueili 2015, p. 81.

[25] Sonja NEBEL et Aurel VON RICHTHOFEN, Urban Oman. Trends and Perspectives of Urbanisation in Muscat Capital Area, Zurich : Lit Verlag, 2016, p. 22.

[26] Noura Khalifa AL-NASIRI, Planning, Policy and Performance: An Evaluation of the Effectiveness of the Social Housing Policy of Oman, Queensland: PhD Université de Queensland (Australie), 2015, p. 108-109.

[27] L’assainissement était assuré par l’entreprise Haya Water. Un décret royal du 9 décembre 2020 regroupe Haya Water et Publich Authority for Water (Diam) dans une seule structure Oman Wastewater Services Company SAOC, voir : https://omanuna.oman.om/en/sustainability/goals/sdg6-clear-water-and-sanitation, consulté le 10/11/2021

[28] GAUBE et GANGLER 2012, p. 321.

[29] La facture électrique typique d’un foyer omanais en maison est de 50 à 100 OMR par mois, soit 165 à 230 euros selon Abdulmajid NOOR HANITA, Shuichi HOKOI et Nozomi TAKAGI « Vernacular Wisdom: The Basis of Formulating Compatible Living Environment in Oman », Procedia – Social and Behavioral Sciences 68, 2012, p. 637-648, https://doi.org/10.1016/j.sbspro.2012.12.255

[30] Étude sur les femmes enceintes citées par Ruth M. MABRY, Urbanisation and Physical Activity in the GCC: A Case Study of Oman, Londres : Middle East Center London School of Economics, 2018, p. 23, http://eprints.lse.ac.uk/86875/

[31] Oxford Business Group, The Report. Oman 2016, Londres : Oxford Business Group, 2016, p. 106.

[32] Comme dans la zone franche de Mazyūna proche de la frontière avec le Yémen.

[33] Cette rupture essentielle dans le rapport des Omanais à l’environnement est étudiée dans KLINGER 2022, p. 258-261.

[34] Le procédé utilise abondamment de l’électricité pour actionner les pompes à haute pression qui presse l’eau à travers des membranes pour en séparer les particules de sel ou d’organismes et produire de l’eau douce potable.

[35] Naïma BENKARI, « The Harat Project: An experience of vernacular built heritage Documentation in Oman » Disponible avec autorisation de l’auteur, [sans date], p. 1, https://www.academia.edu/30946805/The_Harat_Project_An_experience_of_vernacular_built_heritage_Documentation_in_Oman

[36] Soumyen BANDYOPADHYAY, Birkat al-Mawz : Harat as-Saybani. Documentation and Heritage Management Plan, Mascate : Ministry of Heritage and Culture Sultanate of Oman, 2014, p. 5.

[37] Mandana E. LIMBERT, In the Time of Oil. Piety, Memory, and Social Life in an Omani Town, Stanford : Stanford Universiy Press, 2010, p. 37.

[38] Étude et bibliographie détaillée sur ce point dans Klinger 2022, p. 127-136.

[39] Voir notamment KLINGER 2022, p. 152-164.

[40] Remarque générale par exemple dans Yi-Fu TUAN, Space and Place. The Perspective of Experienc,. Minneapolis  : University of Minnesota Press, [1977] 2018, p. 169.

[41] Arjun Appadurai, Modernity at Large. Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis : University of Minnesota Press, [1996] 2010, dans l’ordre des citations p. 189, 179 et 191.

[42] Sultan Hamdoon AL-HARTHY, The Traditional Architecture of Oman : a critical perspective, Tucson : The University of Arizona Master’s Reports (Architecture), 1992, p. 105.

[43] Le Krooki rappelle les contraintes d’urbanisme, notamment les retraits exigés par rapport au mur de clôture. L’application Oman Real (https://www.omanreal.com/ ) permet désormais de télécharger ces informations.

[44] Farah Al-Nakib, Kuwait Transformed. A History of Oil and Urban Life, Stanford : Stanford University Press, 2016.

[45] Henri LEFEBVRE, Le Droit à la ville, Paris : Anthropos, [1968] 2009, dans l’ordre des citations p. 46-47, 15 et 108.

[46] Cet espace est ainsi un lointain dérivé de la fina, espace immédiatement adjacent au mur de la propriété dans l’urbanisme islamique, HAKIM [1986] 2008, p. 27.

[47] Besim Selim HAKIM, Arabic-Islamic Cities. Building and Planning Principes, Londres : Kegan Paul International, [1986] 2008.

[48] Aurel VON RICHTHOFEN, « Patterns of urban growth and expansion : the case study of Al Khoud », in Urban Oman. Trends and Perspectives of Urbanisation in Muscat Capital Area, Sonja Nebel et Aurel von Richthofen (dir.), Zurich : Lit Verlag, 2016a, p. 89-90.

[49] Sulayman KHALAF, « The evolution of the Gulf city type, oil and globalization », in Globalization and the Gulf. John W. FOX, Nada MOURTADA-SABBAH et Mohammed AL-MUTAWA (dir.), 244–266, Londres ; New-York : Routledge, 2006, p. 259.

[50] Rana SOBH et Russell W. BECK, « Privacy and gendered spaces in Arab Gulf homes », in Home Cultures, Vol.8, issue 3, 2011, p. 75 et Farah AL-NAKIB, Kuwait Transformed. A History of Oil and Urban Life, Stanford : Stanford University Press, 2016, p. 149.

[51] Eugen WIRTH, « Privatheit und Abgeschirmtheit als prägende Elemente der Wohnviertel », in Die Arabische Welt im Spiegel der Kulturgeographie, Günther MEYER (dir.), Mayence : Geographisches Institut der Universität Mainz, 2004, p. 50-53.

[52] On trouve aussi le dérivé madraban à Koweït-City, Al-Nakib, 2016, p. 66.

[53] HOLSTON 1989, p. 99 et 101.

[54] L’‘urf désigne la coutume et les usages d’une population musulmane par lesquelles elle adapte les préceptes islamiques aux conditions spatio-temporelles dans lesquelles elle vit. Elle est une forme de « savoir-vivre », ce que rappelle l’étymologie, le terme dérivant du verbe ‘arafa ou « savoir », « connaître ».

[55] Besim Selim HAKIM, « The ‘Urf’ and its role in diversifying the architecture of traditional Islamic cities », in Journal of Architectural and Planning Research 11-2, 1994, p. 121.

[56] Muscat signs construction agreement of its Community Hub, Al Mouj : https://www.almouj.com/en/news-and-events/news/community-hub-construction-agreement, consulté le10/11/2021.

[57] Villas du site Muscat Bay : https://www.muscatbay.com/zaha-villas/, consulté 10/11/2021.

[58] Sur la nouvelle relation des villes du Golfe avec le « désir », voir Lavergne 2005.

[59] Philippe ROBERT, « Les territoires du contrôle social, quels changements ? », in Déviance et société, Vol. 24, n°3, 2000, p. 222, https://doi.org/10.3406/ds.2000.1727

[60] Leur version arabe utilise le terme « mujtama‘a ».

[61] Site Almouj : https://www.almouj.com/en/discover, consulté le 10/11/2021.

[62] The ressort village living, sur le site de Muscat Bay : https://www.muscatbay.com/resort-village/ La version arabe dit plutôt « une communauté pour une vie moderne et raffinée » (mujtama‘ li-lḥiyyā al-‘aṣriyya al-fākha), https://www.muscatbay.com/ar/%20%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%86%D8%AA%D8%AC%D8%B9/, consultés le 10/11/2021.

[63] Christine EICKELMAN, Women and community in Oman, New York : New York University Press, 1984, p. 92.

[64] Zaha Spacious Villas, sur le site de Muscat Bay : https://www.muscatbay.com/zaha-villas/, consulté le 10/11/2021.

[65] D’après Philip Paul à la tête du groupe Cluttons Oman, dans Oxford Business Group, The Report. Oman, Londres : Oxford Business Group, 2015, p. 142.

[66] Renaud LE GOIX et Chris Webster, « Gated communities », Geography Compass 2-4 : 2008, p. 9 et 11, https://doi.org/10.1111/j.1749-8198.2008.00118.x

[67] Voir KLINGER 2022, p. 502-508.

[68] GAUBE et GANGLER 2012, p. 294.

[69] Nizwa Heritage Inn : https://nizwainn.com/, consulté le 10/11/2021.

[70] Par exemple BANDYOPADHYAY 2016, p. 128-130.

[71] Voir photographie BANDYOPADHYAY 2016, p. 298 et présentation : https://transsolar.com/projects/muscat-gutech-eco-house, consulté le 10/11/2021.

[72] Présentation avec courtes vidéos : https://ecohouse.trc.gov.om/ecohouse/teams/nizwa/, consulté 10/11/2021.

[73] Zainab AL-NASSERI, « SQU eco-house supported by Research Council opens », Oman Daily Observer, 22/02/2017, https://www.omanobserver.om/article/87383/Local/squ-eco-house-supported-by-research-council-opens, consulté le 10/11/2021.

[74] Blandine BESNARD, « Architecture vernaculaire de terre et évacuation des eaux », Frontière·s 3, 2020, p. 21-39, https://doi.org/10.35562/frontieres.415.

[75] Mais JAFARI et Scholz WOLFGANG, « Towards sustainable urban development : Challenges and chances of climate-sensitive urban design in Muscat/Oman », in Sustainability in the Gulf : Challenges and Opportunities, Elie Azar et Mohamed Abdel Raouf (dir.), Abingdon : Routledge, 2018, p. 103-122.

[76] Atelier Jacqueline OSTY, Wadi Al-Azeiba, Landzine, 14/07/2012, https://landezine.com/wadi-al-azeiba-by-atelier-jacqueline-osty-associes/, consulté le 10/11/2021. Voir aussi Manuela GUTBERLET et Scholz WOLFGANG, « Greening Omani Wadi Beds – An Omani-German Student Project », GUtech / UPAD Department, 2018, https://www.gutech.edu.om/greening-omani-wadi-beds-omani-german-student-project/, consulté le 10/11/2021.

[77] Times News Service, « New pedestrian walkway opened in Muscat », Times of Oman, 07/02/2020.

[78] Times News Service, « Muscat Municipality launches first self-service bicycle system in Oman », Muscat Daily, 17/02/2013.

[79] Times News Service, « Cycling enthusiasts call for better infrastructure facilities in Oman », Times of Oman, 06/02/2016.

[80] Sur ce point essentiel, voir Hanan AL-JABRI, The Planning and Urban Design of Liveable Public Open Spaces in Oman: Case Study of Muscat, Edimbourg : Heriot-Watt University, PhD, 2014, notamment p. 177.

[81] Mabry 2018, p. 22.

[82] Y Magazine, « Click Here To See The Future Of Public Transportation In Oman », Y Pulse of Oman, 03/10/2019,et Rakesh BELWAL, « Rebranding ONTC to Mwasalat : a welcome move but what’s next for Oman », MENA CTE Journal, p. 21-22, 25/04/2016.

[83] Oxford Business Group, The Report. Oman 2019, Londres : Oxford Business Group., 2019, p. 180.

[84] Zaïn Propoperty Development, Introducing the New big thing in Oman, 11/05/ 2016, https://www.zainoman.com/en/news/introducing-the-new-big-thing-in-Oman, consulté le 30/07/2021.

[85] Oscar ROUSSEAU, « Oman to lay foundation stone for PPP housing project », ConstructionWeekOnline, 22/10/2018 et Kabeer YOUSUF, « Application for Barka homes to begin soon », Oman Daily Observer, 13/10/2019.

[86] Oman News Agency « Al-‘Iskān tatabba‘a sīra mashrū‘i madīnati Liwā al-saccharifia » (« Le ministère de l’habitat suit de près le projet de la ville de Liwa »), Argaam, 17/06/2015, http://www.argaam.com/article/articledetail/518497, consulté le 10/11/2021. Le chantier est l’objet de visites ministérielles fin 2020 mais n’est toujours pas achevé.

[87] KLINGER 2022, p. 38-407.