14/05/2025

Iran et Israël : meilleurs ennemis

Par Denis Bauchard
photo missiles iraniens
Photo de Moslem Danesh sur Unsplash

Article publié dans la revue Esprit, N° juillet-août 2024. Pour lire le texte intégral : ici

L’attaque de missiles iraniens sur le sol israélien le 13 avril 2024, suivie par une riposte d’Israël visant une base militaire proche d’un des principaux sites nucléaires iraniens, fut le point d’orgue d’une guerre multiforme qui oppose les deux pays depuis plusieurs décennies. Alors qu’Israël entretenait les meilleures relations, diplomatiques et même militaires, avec l’Iran du Shah Mohammad Reza Pahlavi, il est apparu très vite qu’il n’en serait pas de même avec la République islamique. L’imam Khomeiny dénonce Israël comme un ennemi de l’Islam et le qualifie de « petit Satan voué à la destruction ». Des déclarations comparables furent faites par Ali Khamenei, même s’il a accompagné son propos de la précision que cette disparition ne concernait pas « les Juifs », mais le « régime ». D’abord intermittente, cette guerre s’est installée dans la durée : dès les années 1990, Benjamin Netanyahou qualifie l’Iran de menace existentielle.

La guerre de l’ombre

La guerre menée par Israël a longtemps été une guerre de l’ombre, non revendiquée ouvertement. Israël dispose avec le Mossad d’un réseau de renseignements performant sur place. Il s’attaque en priorité au développement du nucléaire iranien. Ainsi, six scientifiques de haut niveau en physique nucléaire ont été visés par des assassinats ciblés sur le sol iranien dont, en décembre 2020, Mohsen Fakhrizadeh, l’homme clef du programme nucléaire iranien. De nombreuses attaques ont visé également des responsables militaires, notamment des Gardiens de la révolution[1].

Des cyberattaques sont également menées en coopération avec les États‑Unis à travers l’unité 8200, l’équivalent israélien de la National Security Agency (NSA) américaine. On rappellera en particulier l’utilisation du virus informatique Stuxnet, qui en 2010 a fortement perturbé les turbines de la centrale nucléaire de Bouchehr comme les centrifugeuses du site de Natanz. Un virus similaire mais plus violent a étéutilisé sur des infrastructures et des réseaux stratégiques en 2018.

Denis Bouchard

Denis BAUCHARD

Ancien diplomate, conseiller pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales et président du CAREP Paris. 

Il est notamment l’auteur de l’ouvrage : Le Moyen-Orient au défi du chaos. Un demi-siècle d’échecs et d’espoirs (Hémisphères, 2021).

Un autre élément de déstabilisation est le soutien apporté à des minorités ethniques, kurdes ou baloush, ou à des mouvements d’opposition. Depuis des années, les services de renseignements israéliens sont très actifs dans leur soutien aux populations kurdes opprimées par les régimes arabes comme par l’Iran. Israël utilise le Kurdistan irakien comme base pour d’éventuelles opérations en Iran, avec la présence connue du Mossad à Erbil. Israël appuie ouvertement la création d’un État kurde qui regrouperait l’ensemble des populations dispersées actuellement entre quatre pays. Cet appui prend diverses formes : soutien financier, formation, armement. Le soutien aux oppositions au régime, notamment le mouvement islamo‑ marxiste des Moudjahidin du peuple, accusé de provoquer régulièrement des attentats dans le territoire iranien, est continu. Israël a réussi à convaincre les États‑Unis comme l’Union européenne de retirer ce mouvement de la liste des mouvements qualifiés de terroristes à la fin des années 2000.

Notes :

[1] Cet aspect de l’action d’Israël a été amplement documenté dans le livre du journaliste israélien Ronen Bergman, Rise and Kill First. The Secret History of Israel’s Targeted Assassinations, New York, Random House, 2018.